Outils d’écriture de scénario : le Paravent Chinois

pages de scénarios

L'un des meilleurs outils d'écriture de la mise en haleine de votre spectateur/lecteur

Bonjour à tous ! Aujourd’hui je vais vous parler d’un outil dramaturgique d’écriture de scénarios pour garder votre spectateur en haleine. La première fois que j’en ai entendu parler c’était lors d’une conférence de Bernard Werber dans un théâtre à Lyon.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Bernard Werber est un romancier à succès qui a notamment écrit le roman « les fourmis » mais aussi d’autres livres de vulgarisation scientifique.

En arrivant sur scène il présente la chose avec une blague :
Je vais essayer de vous la retranscrire à partir de mes souvenirs même si je vous préviens c’est loin d’être marrant. 

Carle est à un repas de famille. Il remarque un paravent chinois à l’entrée de la maison de son oncle.

paravent chinois

Carle : « Pierre, c’est quoi le paravent à l’entrée ? Tu l’as acheté ou ? »
Pierre se lève d’un bond et hurle :
Pierre : « SORS DE CHEZ MOI ! »
Abasourdi par la réponse de son oncle et le regard approbateur de sa famille, Carle se lève, tête baissée et rejoint la sortie.
Perdu, il rentre chez lui pour retrouver un peu de soutien auprès de sa femme.
Carle : « Chérie, tu devineras jamais ce qui vient de se passer »
Claire : « Dis-moi. »
Carle lui explique les fait et sa femme devient rouge de rage. Après avoir cassé 3 assiettes et hurlé 2 bonnes minutes, Carle sort de chez lui en trombe sous les projectiles de sa femme.
« Mais qu’est-ce qu’ils ont tous avec ce paravent… !? » Pensa Carle désespéré.
Arrivé au travail la même chose se répète.
Son patron le vire et ses collègues le congédient.

Le but de la blague est d’user la patience de son spectateur. On le mène en bateau durant un certain temps afin qu’il se rende compte qu’il a écouté des « heures » pour rien.

L’idée étant de tenir un spectateur en haleine en lui donnant une piste qui le fait gamberger. Il faut qu’il se demande « Mais pourquoi ? qu’est-ce qu’il se passe ?? »

C’est à partir de cette histoire que j’ai nommé ce procédé dramaturgique le « paravent chinois ». Mais il n’y a que moi qui l’appelle comme ça, donc ne cherchez pas sur internet, vous ne trouverez rien 😊 . Cependant, si certains connaissent le vrai nom de cette technique, je suis très curieux de le savoir 😊. S’il en existe un évidemment.

L’idée du paravent chinois renvoie à quelque chose qui se déplie au fur et à mesure, cachant et dévoilant en même temps. Dans une histoire, c’est un jeu de questions-réponses. 

Sur ce voilà ce qu’on peut tirer de cette histoire :

Les valises du spectateur :

Prenons la métaphore suivante (qui n’est pas de moi mais de Christopher Vogler) :
Chaque énigme de votre histoire représente une valise que le spectateur devra porter avec lui le long du récit.
A chaque nouvelle énigme, le spectateur devra transporter une nouvelle valise.
Chaque valise comprend une question que le spectateur doit garder en tête, mais si vous en mettez trop sans donner aucune réponse, alors le spectateur, submergé par le poids des valises, se verra obligé d’en poser une capitale pour en prendre une nouvelle insignifiante pour la suite du récit.

Pour ne pas que le spectateur perde le fil de votre histoire et continue à suivre tout en portant les bonnes valises au bon moment, vous devez jouer habilement entre les questions que vous posez et les réponses que vous donnez.

Ainsi le paravent chinois comme je l’appelle est une bonne méthode pour éviter l’écueil d’un trop gros nombres de valises.

Dans le roman de Werber « les fourmis », le paravent chinois prend la forme d’une cave dans laquelle des gens rentrent sans jamais en ressortir, ou alors ceux qui en ressortent deviennent fous sans jamais pouvoir dire ce qu’il y a à l’intérieur.

première de couverture roman

Ainsi le lecteur est submergé de questions pour lesquelles il trouvera des réponses au fur et à mesure, mais chaque nouveau visiteur de la cave apporte son lot de réponses et de questions.
La cave, elle, reste le mystère à craquer et le spectateur ne s’éloigne pas de cet objectif (Enfin… on dérive toujours un peu dans une histoire, il y a les objectifs secondaires).

Une série qui utilise ce principe à merveille est la série Stranger Things.
On a deux types de paravent : Le premier est celui qui questionne le spectateur sur l’origine des monstres.
Qui sont-ils ? D’où viennent-il ? Pourquoi s’en prennent-t-il à Will ?
Mais le deuxième est celui qui nous permet de nous interroger sur l’origine de Eleven, une jeune fille qui semble avoir certains pouvoirs et qui ne parle jamais.

Acteur Stranger things

Pour ne pas spoiler ceux qui n’ont pas vu la série, je vais essayer de ne pas trop en dire. Mais ce qu’il faut retenir c’est que la série met en scène deux choses aux origines inconnues qui nous permettront en suivant l’enquête sur l’origine des monstres de croiser les informations apprises par d’autres personnages sur l’origine de Eleven.
Ainsi les deux paravents se croisent dans un questions-réponses que le spectateur peut suivre facilement puisque chaque personnage de la série fait sa propre enquête.
Chaque personnage apporte une partie des réponses mais seul le spectateur peut faire des liens.

Pour vous citer un autre exemple de Paravent chinois je pourrais parler de l’armée des Douze Singes avec les visions de Bruce Willis.

Affiche armée des douze singes

Pour ceux qui n’ont pas vu le film, Bruce Willis vit dans le futur et il est envoyé dans le passé pour éviter la catastrophe inconnue qui déclenchera la fin du monde.
Une des pistes qu’il suit sont les réminiscences lointaines d’un aéroport. Cependant, ni lui, ni le spectateur ne sait s’il s’agit d’un souvenir, d’une vision ou d’un rêve.
Et comme par essence ce genre d’image est floue, elles permettent de laisser place à l’interprétation.
Ainsi, chaque fois que cette vision ressurgit, elle donne certaines réponses et instaure de nouvelle questions.
Et c’est dans cet habile jeu de question réponse que le twist de fin prend tout son sens.

Pour finir, je vais vous donner un dernier exemple dans la série « Attack on Titan».

affiche attack on Titan

Dans cette série, L’humanité est cloîtrée à l’intérieur de trois murs gigantesques qui protègent la ville contre les Titans. Ceux-ci n’ont qu’un seul but, dévorer les hommes qui peuplent cette terre.
Mais alors que les questions ne cessent de grandir parmi les personnages et le spectateur, Eren, le personnage principal, dévoile l’existence de sa cave familiale dans laquelle les réponses qu’ils ont toujours cherché sont enfermées à l’intérieur.
Ce lieu mystérieux mélangé au passé énigmatique d’Eren offre également un bon jeu de questions réponses sur l’origine des Titans et du pouvoir d’Eren.

Seulement pour ceux qui n’ont pas vu la série je vous conseille d’aller y jeter un œil.
Parce que cette série est un exemple parfait (à mon sens) d’un trop gros nombres d’énigmes posées aux spectateurs sans assez de réponses.

Je n’ai pas envie de spoiler ceux qui n’ont pas vu la série donc je n’en dirais pas plus pour le moment.
Mais retenez bien ceci : Si vous ne laissez pas le temps à votre spectateur de découvrir en temps voulu les réponses, il va oublier certaines énigmes au profit d’autres plus récentes dans le récit.
Surtout pour une série qui ne se regarde généralement pas d’une traite.

Donc une énigme c’est bien, mais trop d’énigmes perturbent.
Le paravent chinois est donc une solution qui vous permet de vous concentrer sur une chose en particulier autour de laquelle tournent votre histoire et le suspens.
Ne vous éparpillez pas.

Breaking Bad et Prison Break

Les séries Breaking Bad et Prison Break utilisent la technique du paravent à chacun de leur épisode (quasiment) de manière très pertinente. On peut voir des skaters jouer dans une maison, une carte bleue, un objet chelou, ou toute autre chose en début d’épisode sans savoir ce que c’est. L’épisode se déroule ensuite normalement et on aperçoit souvent au moment du climax le paravent qu’on a vu au début. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’on comprend ce que c’est ou pourquoi on nous a montré ça au début de l’épisode. Ce qui est intéressant ici, c’est qu’on n’a pas besoin d’insister sur un mystère particulier. Le spectateur ne sait pas exactement pourquoi c’est là, mais il sait que ça va réapparaitre plus tard ! C’est ce qui drive une partie du suspens ! 

Attention :

Même si certains ont aimé la série 1899, je trouve que le premier épisode fait une grosse erreur de traitement scénaristique.  Pour ceux qui ne l’auraient pas vu, on a le droit à plusieurs scènes différentes qui fait peser une atmosphère troublante et mystérieuse, avec un travelling sur une machine à écrire, une caméra caché qui observe deux personnes, une lettre inconnue cachée dans une poche… On sent bien que chaque élément est important, mais on n’a aucune idées des enjeux et de la question qui se cache derrière chaque objet ! On a donc beaucoup plus de mal à s’investir dans l’histoire et le mystère qui la drive. 

A contrario, dans la série Netflix : « À l’épreuve du diable », les participants doivent participer à plusieurs jeux d’esprits afin de gagner des pièces particulières à chaque épreuve, et pour celui qui en aura le plus à la fin du jeu, gagner un prix d’environ 300 mille euros. 
À mesure que la série avance, les joueurs se rendent compte qu’une énigme se cache derrière les pièces et que ces dernières peuvent s’assembler pour donner un code. En tant que spectateur, on a envie de savoir comment ils vont faire, est-ce qu’ils vont réussir à ouvrir le coffre-fort qui se cache dans la prison ? Qu’est-ce qu’il y a derrière ?
On est investi dans l’énigme, car on comprend les enjeux et les objectifs de chacun des personnages. À la différence du premier épisode de 1899. 

Conclusion :

En d’autres termes, le paravent chinois est une technique qui permet d’alterner entre les énigmes et les solutions.
A chaque fois qu’il ressurgit, il apporte son lot de questions – réponses.

Si vous voulez tenir votre spectateur en haleine, donnez-lui une carotte à suivre, ce sera votre paravent.

Pour faire un léger parallèle, dites-vous qu’on peut parfois susciter plus d’intérêt et de curiosité pour une scène si on dissimule légèrement l’action.
Ainsi, une conversation importante filmée à travers l’entrebâillement d’une porte peut de temps en temps s’avérer plus attrayant que de la filmer plein cadre.
De même, une agression physique pourra être perçue plus violente encore si elle n’est qu’entendue et non regardée directement.

N’hésitez pas à faire travailler l’imagination de votre spectateur, parce qu’elle demeure un outil remarquable au profit de votre histoire.

Choisissez des révélations judicieusement.
Dévoilez quelques faits incomplets, et donnez à votre public le désir d’en savoir plus. Vous introduisez un suspens certain et multiplierez l’impact de votre révélation finale.

Puisque, au final, tout film est un film à suspens et par ça, j’entends que quel que soit son genre, un film doit toujours alimenter le désir du spectateur de « passer à la page suivante ».
Vous devez lui donner envie de voir comment les choses vont évoluer.
Lorsque des choses sont dévoilées, le dilemme du héros doit augmenter, et si c’est efficace, le spectateur se posera des questions qui le tiendront encore plus en alerte.
« Va-t-il réussir avant que les forces du mal ne le détruisent ? Ses découvertes combleront-t-elles les difficultés croissantes ? »

Souvenez-vous que le suspens ne s’obtient pas en précipitant les choses, mais plutôt en les faisant venir petit à petit.

Si vous avez des questions, je me ferais une joie d’y répondre, en attendant, portez-vous bien et à la prochaine pour un autre article !

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