Le genre Super Héros partie 4 – Evolution du genre et différence notable avec Marvel :

Le genre super-héros s’oppose au « Dude with a problem » par essence qui est d’avoir en général une personne extraordinaire (piégée parfois) dans un monde ordinaire.
Superman est une représentation très symbolique qui a largement influencé les réalisateurs, scénaristes et autres créateurs de super-héros. (« The Boys » n’aurait pas eu le même impact si la figure de Homelander n’était pas largement inspirée de l’image de Superman)

Ce dernier n’a aucun défaut, ce qui en fait la version peut être la plus « pure » des super-héros, mais aussi la « plus has been » car la tendance est plus de créer des personnages qui semblent vraiment humains, avec leurs qualités et leur défauts.
Comme disait l’éditeur de Stan Lee en parlant de Spiderman, à la base les super-héros sont des personnages sans faille.

Je pense que le super-héros ne doit pas tout réussir sous peine de perdre le lien empathique que le spectateur crée avec lui. Il doit avoir un handicap, car même avec des pouvoirs, il reste humain et son mental subit les mêmes affres que le reste des personnes sur terre.
Qu’on puisse voler, se téléporter, créer du feu ou maitriser l’eau, on ne peut échapper à la condition humaine.

Le film « comment je suis devenu super-héros » comporte certains problèmes de structure selon moi.
Il se présente comme le versant opposé à Marvel, traitant des super-héros plus humains dans un quotidien plus ordinaire. Certaines scènes sont assez intelligentes et nous montrent vraiment cet aspect comme Benoit Poelvoorde, qui joue un téléporteur trop âgé pour se déplacer correctement. 

Mais le film prend vite une autre direction vers 40 min, et reprend les mêmes codes que Marvel ou DC. Plutôt que de garder la réflexion sur la condition humaine, on a encore une fois un héros a priori trop faible pour vaincre son antagoniste, mais qui réussira à se dépasser et rétablir la paix.
Peut-être que c’est ce qu’ils voulaient faire, mais je trouve que le thème inspiré par les premières scènes n’est pas respecté.

Parfois, si le récit semble incohérent, c’est que le thème n’est pas respecté. Utilisez le thème comme un compas pour orienter votre récit, car pour finir c’est souvent lui qui nous pousse à écrire.

Pensez d’abord à l’émotion avant l’action, concentrez-vous sur la psyché et l’évolution de vos personnages pour que l’acte 2 ait du sens, que le thème soit respecté et que les éléments scénaristiques (enjeux, antagoniste, évolution…) aient un vrai impact.
Les réécritures sont importantes pour trier les scènes utiles de celles qui surchargent le récit.
Que ce soit l’évolution ou le thème, vous devez avoir en tête un fil rouge de ce que vous voulez dire pour pouvoir éliminer les scènes inutiles et savoir à tout moment pourquoi vous avez mis ce passage, cette phrase, cette action… il doit toujours y avoir une raison. La justification « parce que c’est cool » me semble un peu légère.

Dans le même style, la série Extraordinary passe à côté de quelque chose. Le personnage principal n’a pas de pouvoir dans un monde rempli de super-héros (log line de superman inversé) et aura pour quête de trouver son pouvoir (mais avant tout : la raison de son existence sur terre). C’est une série qui traite du passage à l’âge adulte sous fond de spleen à la Fleabag.

L’idée est sympa et bourrée de potentiel, mais le genre est mal exploité.
Le genre super-héros traite par essence de la différence mais, dans un monde où tout est extraordinaire, plus rien ne l’est.

Etymologiquement, le mot fantastique provient du grec phantasia / phantasein qui signifie à la fois “montrer” et “apparaître”. »
Autrement dit, le réalisme est nécessaire au fantastique car il représente l’extraordinaire qui s’invite dans l’ordinaire. 

Si tout le monde a des pouvoirs, le genre change un peu et la thématique diffère.
Il aurait été intéressant de voir ces personnages façonnés par leur pouvoir et leur condition, comment gérer un monde ou des personnes peuvent soulever des voitures, créer du feu ou voler. Mais la série passe à côté de ça, comme si tous les personnages étaient stupides :

– Un passe-muraille qui se retrouve coincé dans un mur à mi-trajet, les fesses à l’air, alors qu’il aurait d’abord pu passer son bras pour vérifier (Quand tu as ce pouvoir depuis plusieurs années, il ne peut pas t’arriver ça à 26 ans…)

– Quelqu’un qui maitrise le temps ! Mais qui ne l’utilise que pour mentir ou revenir en arrière quand il dit une bêtise et pas lorsqu’il s’agit de récupérer une voiture embarquée par la Fourvière ou sauver quelqu’un.
D’ailleurs il aurait été intéressant de voir les répercussions d’un tel pouvoir dans un monde réaliste (répercussions qui peuvent être énormes, on parle de l’espace-temps ici !). En plus de ça, ce personnage manque cruellement d’enjeux, il décide de son propre chef de monter une troupe de justiciers minables, mais il foire à chaque fois. Les scènes auraient eu plus d’impact à mon sens, si au lieu d’être une initiative personnelle, la troupe de justiciers était dirigée par son supérieur dans la police qui lui donnerait un ultimatum : réussir à capturer un ennemi ou la porte.

– Une femme qui peut incarner les morts mais qui manque cruellement d’imagination pour savoir quoi en faire alors que les applications sont immenses.

– Une autre possédant la super force et qui jette un capot de voiture dans les airs et il ne se passe rien. A titre d’exemple, dans The boys lorsque Homelander jette une balle de baseball, un homme se fait décapiter un peu plus loin. Pour un monde qui se veut plus réaliste que celui de Marvel, il est dommage qu’un personnage comme ça ne se pose pas la question des répercussions que peut avoir un acte aussi irresponsable.

Mais bon… passons au multivers :

Au final, le genre est si divers que les applications sont infinies au point que les auteurs se contredisent dans les thématiques. Ce genre devient un cadre pour aborder certains sujets comme la science-fiction ou la fantasy.
D’ailleurs, le style de parution des comics a créé au sein même d’une série comme Batman ou Superman, des histoires qui changent parfois du tout au tout.

La sortie mensuelle des chapitres ne permettait pas vraiment d’instaurer un suspens, l’écart entre les parutions étant trop longue.
Ainsi, il a été décidé de fournir des récits clos d’environ 64 pages, concluant toujours la fin d’une histoire sur sa situation initiale – prêt pour de nouvelles aventures. Aujourd’hui, les personnages sont réunis dans un multivers connecté (MCUDCEU).

Ceci permet donc d’interroger le genre et les personnages sous différents angles, devenant un objet de réflexion à part entière sur la différence, la liberté, les valeurs de justice et de vérité …

"Mon Lex Luthor n’est pas celui de Geoff Johns ni celui de Greg Pak, pour n’en citer que quelques-uns. Je ne voudrais pas qu’on écrive les personnages ‘à ma manière’ [...]. Les fans peuvent choisir la version qu’ils préfèrent. Comme ça, tout le monde peut décider lequel est le vrai”. - Zack Snyder

Les personnages prennent conscience d’univers alternatifs, faisant d’eux des sortes de “voyageurs métaliptiques ” (Ryan 2010) « leurs périples valorisant et questionnant d’un même geste le fonctionnement même du multivers. »
« auteurs et éditeurs esquissent finalement une mémoire composée de toutes les histoires ayant pu être racontées depuis l’apparition de Superman en 1938. »


 « Celle-ci souligne l’impossibilité d’annuler totalement le passé des héros et échappe à tout effet de reboot, reflétant les souvenirs du lecteur lui-même. Elle permet alors d’envisager la dimension métafictionnelle des récits non plus seulement comme un signe esthétique, mais bien comme une stratégie qui s’incarne ouvertement dans l’industrie culturelle du comic book. »

« C’est pourquoi la dimension métafictionnelle des comics, dépassant aujourd’hui la seule initiative des auteurs, peut se mesurer à l’échelle des cultural studies. « 

Le marché du super héros se base aussi sur les fans :
Des consommateurs actifs qui “s’approprie[nt] des objets pour leur donner un sens individuel et collectif” (Peyron 2013 : 180) »

Le multivers a donc permis aux scénaristes d’explorer le genre sous une facette également plus sombre.

Des super-héros peu conventionnels :

On voit apparaitre en 71 « la créature du marais » et « Daredevil » en 79 qui apporte une certaine noirceur et une violence peu commune à l’univers.

créé par Len Wein et Berni Wrightson
crée par Frank Miller

On a aussi la mini-série Batman: Dark Knight de Frank Miller, qui nous montre un Batman cinquantenaire, retraité, qui renfile son costume dans des circonstances ultra-violentes.

Ou Logan qui nous montre un Wolverine sous les affres de la vieillesse tentant de s’occuper du professeur Xavier et d’une petite fille.

La série Authority dépeint un groupe de super-héros interventionnistes qui prennent le pouvoir mondial pour imposer la justice. Comme dans Injustice année 1, ou Superman tue le Joker pour ensuite rallier une troupe de super-héros et impose une dictature mondiale pour supprimer le crime à tout jamais.

BrightBurn traite aussi du mythe de Superman sous le joug de l’horreur.

Red son, sortie en 2003, crée un monde parallèle où Superman serait le fils de l’URSS et de Staline plutôt que celui des E-U.

Le genre est si varié qu’on peut aussi trouver des supers anti-héros comme Dead pool,
conscient de sa propre folie et du fait qu’il est un personnage de BD au point de briser le quatrième mur à maintes reprises.

On a dans le même style le personnage de Hancock, alcoolique et dépressif qui subit sa condition plutôt que de la maitriser.

Par contraste, les gardiens de la galaxie cassent un peu avec ce type de héros sombre et sérieux
“Overman, le Superman de ce monde, atterrit sur terre en 1939 en territoire nazi et sera élevé par Adolph Hitler »
Un Spiderman tueur en série
La version Dark et criminelle de la justice League.

Que ce soit Multiversity, Edge of Spider-Verse ou Forever Evil … chez DC et Marvel, les archétypes super héroïques explorent aussi des côtés de plus en plus subversifs, loin des valeurs consensuelles de la justice et de la bonne morale qui collent à la peau des archétypes classiques.

Un coup d’œil autour du globe :

Le genre, bien que créé aux States, s’adapte vite ailleurs dans le monde.
Le personnage de SuperDupont est une parodie franchouillarde du super-héros patriotique.

Créé par Jacques Lob et Marcel Gotlib en 1972

Et pour rester dans la parodie, les auteurs français Zep et Tébo sortent en 2004 la BD Captain Biceps qui possède plus de bras que de cerveau.

En Espagne ils ont, Superlópez ou El vecino (le voisin) : 

Superlopez créé en 1973 par le dessinateur Jan

En Italie : Rat-Man ou Jeeg Robt :

Créé par Leo Ortolani en 1995

En Inde :  Minnal Murali :

En Indonésie : Red Storm :

Conclusion :

Les comics de super-héros ont tellement influencé de monde qu’il en existe même dans la vraie vie.
Que ce soit de vrais justiciers qui combattent le crime comme Mr. Extreme ou Shadow ou des héros distribuant des repas, apportant de l’aide au plus démunis comme Nyx, ces personnes revêtent un costume pour changer le monde un pas à la fois ! Leur masque les sépare de la police ou des associations et leur donne le courage d’agir ! J’adore cette façon dont la fiction « contamine » la vie réelle ! Continuons de promulguer de l’espoir 😊  

Aujourd’hui, cherchez de nouvelles manières de traiter le genre. Les possibilités sont infinies, et les thématiques sont à la fois universelles et individuelles.
Trouvez peut-être d’autres noms pour appeler vos super-héros parce qu’il semblerait que le terme soit une marque déposée.

« Il semble bien que la marque superhéros ait été déposée en 1979, et au cours de toutes ces années, les deux éditeurs ont défendu bec et ongle leur bout de gras. L’histoire est d’ailleurs célèbre et en 2004, un certain Geekpunk a dû modifier le titre de son ouvrage, à la suite d’un courrier de DC et Marvel. Et en 1980, un célèbre jeu a dû abandonner le terme superhéros, parce que les avocats des éditeurs affûtaient déjà leurs plaidoiries. »

« Dans les faits, le maintien d’une marque comme propriété intellectuelle dépend du… public. Si à un moment ou un autre, ce dernier s’empare du terme, alors il peut totalement échapper à son propriétaire – ce fut le cas de plusieurs sociétés. Et en l’état, il aurait fallu que Marvel et DC Comics démontrent devant la cour que le terme superhéros était associé, par le public, à leurs strictes structures. Difficile. »

En attendant je vous souhaite une très bonne journée, n’hésitez pas à partager l’article à ceux que ça pourrait intéresser et à la prochaine pour plus de contenu ! 😊
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