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ToggleBonjour à tous ! Les dialogues sont une partie extrêmement minutieuse du processus d’écriture à ne pas prendre à la légère ! Mais qu’est-ce qui fait de bons dialogues ? Comment savoir si nous devons laisser ou supprimer des scènes à notre scénario ? On va essayer d’y répondre dans cet article.
C’est parti !
L'importance du cinéma muet :
Certains cinéastes et analystes parlent du cinéma muet comme l’âge d’or du cinéma parce qu’à l’époque, comme son nom l’indique, les dialogues n’existaient pas ! On transmettait l’information par l’image !
Alors évidemment on avait parfois quelques cartons (intertitre) mais rien à voir avec les dialogues omniprésents d’aujourd’hui !
D’ailleurs en trainant sur la documentation du CNC et des conseils pour écrire une note d’intention, je me suis rendu compte que certains producteurs sont intransigeants là-dessus. Lorsque vous écrivez pourquoi vous voulez faire un film, pas besoin de philosopher sur le monde pendant quinze pages, expliquez simplement pourquoi vous avez choisi ce médium plutôt qu’un autre. Si c’est un court métrage que vous écrivez, mettez toute la puissance de l’image et du son à profit ! Sinon pourquoi ne pas écrire une nouvelle ou un roman ?
(Après il faut évidemment justifier votre histoire, vous ne pouvez vendre un projet porté par le seul désir de faire de l’image)
Si un dialogue est mal écrit votre scénario peut en être ruiné ! Alors soyez prudent lorsque vous décidez d’en écrire un !
Le séquencier
Ainsi on m’a souvent conseillé, et je trouve que c’est une bonne idée, d’écrire d’abord son séquencier avant d’écrire ses dialogues.
Un séquencier c’est quoi ?
« Un séquencier est un document utilisé dans la production cinématographique ou télévisuelle. Il présente le scénario d’un film (ou tout type de production audiovisuelle voire radiophonique) sous la forme simplifiée d’une succession de séquences, chacune étant présentée de façon résumée. »
Source : Wikipédia
Beaucoup d’amateurs vont écrire leur scénario d’une seule traite, avec les dialogues directement.
Mais il est préférable de se poser d’abord la question : « comment je pourrais faire passer toutes les informations de mon histoire pour qu’elles soient compréhensibles par tous seulement par l’image et le son ? » et ensuite seulement, aux endroits qui le méritent vraiment, d’expliquer les choses par le dialogue !
Au cinéma il y a un principe qu’on nomme le : Show Don’t Tell / Montrer plus que raconter.
Yves Lavandier, un théoricien du scénario parle du dialogue comme la forme la plus pauvre pour transmettre l’information.
Ecrivez, pour vous entrainer, du cinéma muet. Prenez exemple sur les courts métrages Pixar ou Disney comme la Luna ou Bao. Beaucoup de courts métrages d’animations sont muets. En plus vous aurez le mérite d’écrire une œuvre compréhensible par tous sans barrière de la langue !
Dialogue inutile
A mon sens, on peut résumer une histoire en deux types de potentiels :
Le potentiel émotif / et le potentiel informatif.
Si votre dialogue ne répond à aucune de ces deux fonctions alors vous pouvez le supprimer (à MON SENS encore une fois).
On a trop tendance à copier la réalité ! Il faut vous en inspirer mais ne la copiez pas. Parce que le cinéma ce n’est PAS la réalité. Il faut beaucoup de travail pour arriver à la feinter.
Un film est découpé en ellipses, on ne choisit que les scènes importantes pour la narration. Parce que sinon j’aurais trouvé le film 127 heures un peu longuet, je vous le cache pas !
Pour chacune de vos scènes, ne perdez pas de temps précieux à faire entrer des personnages ou à faire des présentations de quinze ans et superflues. Vous pouvez commencer une séquence au milieu d’une action ou d’un dialogue pour dynamiser la scène.
La première erreur d’un débutant est de montrer toutes les fois où un personnage franchit une porte et de commencer ses dialogues par « Salut, ça va ? » pour les terminer par un « Au revoir ».
Parce que lorsqu’on parle on fait naturellement des digressions, on s’éparpille, on parle de la pluie et du beau temps ! Mais c’est pas ce qui rend un film attrayant !
Rares sont les réalisateurs comme Tarantino qui peuvent rendre des dialogues à priori banals aussi captivants !
Souvenez-vous qu’un dialogue n’est PAS une conversation.
Un dialogue doit paraitre authentique, mais doit également être bien plus vivant, compact et ciblé qu’une conversation naturelle. Parce que dans la vie de tous les jours, les conversations sont riches en digressions et apartés, mais qui, sauf effet désiré, peuvent rendre une scène pénible à écouter.
Un dialogue efficace fera avancer l’intrigue ou informera le spectateur sur un élément important.
Et même si le dialogue débute au milieu d’une scène il doit avoir une structure avec un début un milieu et une fin.
Faites attention à 2 choses :
- N’étalez pas vos connaissances dans une fiction, ce n’est pas un documentaire. Gardez seulement les informations nécessaires à l’intrigue ou l’histoire. Évidemment certains personnages peuvent expliquer quelque chose qui sera important pour la suite de l’histoire, mais attention à ne pas se lancer dans une série d’explications inutiles qui fera retomber le rythme.
- Attention à ne pas imposer au spectateur une pensée auquel il n’adhère pas forcément. C’est bien quand les personnages ont des points de vue différents sur le monde sans imposer ouvertement leurs points de vue au spectateur. Bien sûr, vous pouvez influencer sa réflexion tout au long du film pour qu’il comprenne votre message, mais évitez le jeu du personnage moralisateur qui passe 1h30 à dire ce qui est bien ou non, votre spectateur risque de ne pas trop apprécier.
Soyez malin, votre film est un moyen d’argumentation hors du commun, faites croire au spectateur que l’idée qu’il aura à la fin vient de lui, changez-le par la force des émotions et non par un étalage d’arguments.
Après ce n’est que mon avis évidemment, mais je pense qu’il est toujours mieux de laisser le spectateur se faire son propre avis sur les choses. Parce que si on insiste sur un seul point de vue on aura tendance à avoir une vision partielle et faussée des choses.
Pensez à d’autres manières de faire passer l’information. La communication non verbale est un excellent moyen : Un bon acteur pourra sans doute faire passer bien plus d’informations dans un regard que dans un long monologue. Votre spectateur n’est pas idiot, il n’a pas besoin que tout lui soit expliqué. Laissez-le comprendre par lui-même, c’est aussi ce qu’on aime, ça nous force à nous impliquer dans le film.
La théorie du 2+2
Dans leur livre « Notes on directing », Frank Hauser et Russell Reich ont écrit :
« Ne reliez pas toujours tous les points. Donnez au public un rôle, celui de compléter ce qu’il se passe. C’est-à-dire, donnez-leur tous les points dont ils ont besoin, mais ne les reliez pas tous pour eux. »
Hitchcock parlait lui de « direction de spectateur » et non de direction d’acteur.
On ne dit jamais au spectateur que 2+2 égal 4, on le laisse deviner par lui-même.
Par exemple, lorsqu’on voit Javier Bardem enlever ses chaussures, on pense au début que c’est pour ne pas faire de bruit mais ensuite on s’aperçoit qu’il regarde ses chaussures à chaque fois qu’il tue quelqu’un pour savoir si du sang a giclé dessus. Quand on le voit plus tard sortir d’une maison et observer ses pompes on comprend qu’il a tué quelqu’un.
Faites attention à ces micro-gestes qui en disent énormément sur vos personnages.
Les gens adorent, en règle générale, comprendre par eux-mêmes les choses.
Souvenez-vous du sentiment qu’on a lorsqu’on galère 3 heures sur un exercice de math sans rien comprendre et du sentiment de fierté et de soulagement qu’on ressent quand on a enfin compris et assimilé le truc. Donnez à votre spectateur l’envie de comprendre et de s’impliquer.
Ne le prenez pas pour un « con » en faisant de la redondance d’informations.
Par exemple : ne décrivez jamais ce qui se passe à l’image. Montrez, ne racontez pas !
Alors évidemment comme tous les conseils que je vous donne vous n’êtes pas obligé de les appliquer. La plupart des mangas passent leur temps à expliquer ce qu’il y a à l’écran.
(Pour cela, regardez un épisode de Yu-Gi-Oh et vous comprendrez ce que je veux dire)
Mais pour un scénariste occidental cet effet de redondance est souvent mal vu par le producteur qui verra dans votre écriture une certaine maladresse.
Un film est un médium visuel. La quasi-totalité de ce qui doit être communiqué gagne à être montré plutôt qu’expliqué. Un indice visuel bien placé permet d’expliquer ce que les mots ne peuvent traduire. On peut montrer sans rien dire ce qui est de l’ordre de « l’invisible » – la psychologie, les histoires cachées et les conflits émotionnels – bien mieux que le feraient certains monologues.
De plus, si vous montrez plutôt que racontez, alors vous gagnerez du temps précieux pour des choses plus importantes qui ne peuvent s’exprimer que par le dialogue.
Si un de vos personnages tousse des glaires bien vertes allongé dans son canapé, n’écrivez pas lorsque son ami entre dans la pièce un dialogue du type « salut ça va ? », « non je suis malade » « ah merde t’es malade, mais qu’est-ce que tu as ? » etc.
Commencez directement dans le vif du sujet. Ne perdez pas du temps sur des dialogues qui ne feront qu’appuyer ce qu’on sait déjà ; commencez la conversation avec de nouvelles informations qui ne sont pas révélées par l’image afin de garder un rythme et ne pas ralentir l’action.
N’oubliez pas que dans un court métrage 5 pages de scénario c’est ¼ du film en général.
Alors si vous passez ¼ du film à parler du temps qu’il fait ou à dire des banalités il ne restera pas grand-chose pour parler vraiment de l’histoire.
Imaginez que votre court métrage soit en fait un long métrage.
Vous ne passeriez pas ¼ de votre film, presque 25 minutes, sur un mec qui ne dit rien d’important pour faire avancer l’histoire. Alors pourquoi se permettre de le faire sur un court métrage ?
Aaron Sorkin
Pour vous donner l’exemple d’un dialogue extrêmement puissant je vous conseille de regarder le film « The Social Network » sorti en 2010 et réalisé par David Fincher.
Aaron Sorkin, le scénariste, est réputé pour ses dialogues extrêmement bien écrits et nous allons voir ici une technique qu’il utilise pour dynamiser ses scènes :
Les dialogues superposés («overlapping dialogue»)
Lors de la scène d’introduction du film, Marc parle avec une étudiante dans un bar.
Il ouvre le dialogue par une statistique :
« Tu sais qu’il y avait plus de génie (QI) vivant en Chine qu’il y a de personnes de toutes sortes aux E-U ? »
Erica est directement préoccupée par la statistique concernant la Chine.
- ça ne peut pas être vrai.
- ça l’est.
- Comment tu l’expliques ?
- Et bien, déjà, énormément de personnes vivent en Chine. Mais la vraie question est :
Mais si Mark soulève cette statistique c’est pour parler de ce qui le préoccupe :
- Comment tu te distingues dans une population où tout le monde a eu 1600 à leur SAT (Scholastic Assessment Test)
Pourtant Erica pense qu’il parle toujours de la Chine.
- je ne savais pas qu’ils passaient des SAT en Chine.
- ce n’est pas le cas, je ne parlais plus de la Chine, je parlais de moi.
Maintenant Erica est concentrée sur Mark et les SAT.
Mais lui essaie toujours de discuter sur les moyens de se distinguer.
- Tu as eu 1600 ?
- Oui, je pourrais chanter dans un groupe d’A cappella mais je ne sais pas chanter.
- ça veut dire que tu n’as fait aucune faute ?
- Je pourrais faire de l’aviron ou inventer un ordinateur à 25 dollars.
Le train de Marc continue de rouler et il ignore sa question. Les deux parlent de deux choses différentes.
Erica abandonne alors son train et prend celui de Mark, elle sait où il veut en venir.
- Ou alors tu pourrais rentrer dans une fraternité (final club : plus haut groupe d’une fraternité)
- Ou je pourrais rentrer dans une fraternité.
On est qu’à une page de dialogues, et en essayant de suivre on ne se rend pas compte de tout ce qu’on a appris :
On connaît la motivation de Marc :
- il veut se distinguer
- Il a eu 1600 à ses SAT
- Il veut actuellement rentrer dans une fraternité
On voit également que Erica est :
- polie
- patiente
- et impressionnée par le score de 1600 à ses SAT (ce qui reviendra plus tard dans la scène lorsqu’elle l’enverra balader)
Mais les incompréhensions sont aussi utilisées pour établir le personnage de Mark comme quelqu’un qui a du mal à communiquer avec les autres. (On a donc de l’Information dans le texte et entre les lignes)
En utilisant un dialogue superposé et de l’incompréhension, Sorkin nous fait une scène d’introduction rapide bourrée d’informations.
(Lesson from the Screenplay fait une analyse bien plus poussée et dynamique de cette scène, allez le voir sur la vidéo :
Des personnages qui parlent de la même voix :
Beaucoup de débutants ont tendance à écrire des dialogues qui semblent être dits par un unique personnage. Comme si tout le monde parlait de la même façon.
Alors n’oubliez pas de caractériser vos personnages et de leur créer un passé qui servira ensuite leurs dialogues.
Car chaque personnage que vous créez possède un passé unique. Et notre manière de parler reflète souvent ce passé-là. Gardez en tête que les mots ne sont qu’une partie du langage et qu’une majorité du message passe par le langage corporel et l’intonation.
Mais surtout n’hésitez pas à rajouter à vos personnages des tics de langages si c’est pertinent, et un vocabulaire bien adapté à sa situation.
Certains mâchent les mots, d’autres parlent très peu, d’autres encore font des erreurs de français à l’oral ou emploient des mots d’autres langues ou de certains patois.
Je pourrais faire un autre article sur les dialogues si ça vous intéresse ou si certaines choses ne sont pas claires. Dites-le-moi dans les commentaires. En attendant j’espère que cet article vous aura aidé et je vous dis à la semaine prochaine pour en apprendre davantage ! Ciao !
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