Sommaire et contenu de l'article :
TogglePartie 4 : La psychologie et la « logique des débiles » :
Dans les comédies il y a deux types de débiles selon moi :
– le débile juste bête et stupide, qui ne comprend rien à rien, qui n’apprend jamais de ses erreurs, qui enchaîne les gags et les galères souvent en slapstick et qui est voué à recommencer les problèmes du film à la fin de celui-ci.
– Le débile avec une logique interne, souvent différente de la nôtre mais qui peut avoir sa forme d’intelligence.
Je pense qu’un débile qui n’apprend jamais et qui reste bête aura toujours moins de puissance qu’un débile avec une logique interne.
Le premier semble être faux, comme un prétexte au rire, tandis que le deuxième est humain, on peut s’identifier à lui.
Les personnages de Dumb et Dumber ou de Cheech et Chong sont des farces à part entière. Ils n’ont pas vraiment de place pour l’introspection ou la remise en question. Ils sont bêtes, un point c’est tout. Le spectateur sert de témoins extérieurs consterné par ce qui se passe comme Jim dans the Office. Par conséquent, sans profondeur, ce type d’archétype me semble plat et fade.
Comparé aux personnages de Perceval dans Kaamelott, de Phil dans modern family ou de Hal dans Malcolm qui ne sont pas totalement idiots. Ils sont beaucoup plus nuancés et intéressants.
Ils ont surtout une logique de pensée proche des enfants, parfois un manque de vocabulaire, des réactions peut-être trop émotionnelles ou exacerbées par moments… Mais on arrive à comprendre pourquoi ils disent ou font telle ou telle chose !
Ces personnages ne sont pas juste bêtes, ils ont une logique interne compréhensible par le spectateur et paraissent donc beaucoup plus humains !
Comme Mickael Scott dans the Office, on a généralement un enfant dans un corps d’adulte, une dynamique souvent à l’œuvre dans cette deuxième catégorie de personnage.
Celui-ci peut d’ailleurs être très intelligent, mais donner des réponses à côté de la plaque comme Sheldon dans the Big Bang Theory.
Ce qu’il faut retenir ici, c’est qu’un personnage n’est jamais entièrement stupide. On peut être tout à fait normal et dire des grosses bêtises comme des trucs très intelligent. Tout dépend de nos compétences et de notre sensibilité. Mais pensez votre personnage dans toute sa complexité pour le rendre plus humains et attachant !
Partie 5 : la comédie au cinéma :
Avec l’arrivée du parlant, les films comiques sont devenus de plus en plus des pièces de théâtres filmées. Pourtant, le cinéma offre des moyens plus visuels et propres à son médium que beaucoup de réalisateurs ne conscientisent pas…
Si vous voulez écrire un film, réfléchissez aussi à des gags visuels.
Pour ça je vous conseille la filmographie d’Edgar Wright et en particulier la vidéo d’Every frame a painting qui en parle :
Utilisez le zoom (exemple à 3 min 40) le travelling arrière ou le pan (panorama) pour révéler quelque chose au spectateur et servir de chute.
Pensez votre cadre et les transitions.
N’oubliez pas que vous êtes dans un film, ce n’est pas un one man show ou une pièce de théâtre, tout est possible ! La cité de la peur n’hésite pas à rajouter des tasses géantes dans le plan par exemple pour servir de chute au gag. Mais vous pouvez aller plus loin et, à l’instar de Keaton, faire des « gags impossibles » ou des « cartoon Gag ». Un peu comme dans Astérix et Obélix quand Gerard Darmon se relève (2min20 de la vidéo) :
Dans le même style vous pouvez regarder le gag de Laurel et Hardy à 9min, ou le gag vers 17 minutes 40 de cette vidéo quand c’est la gare qui s’en va. Ou les différents gags vers 18min30 :
Toutes les vannes que vous venez de voir ne sont possibles qu’au cinéma !
On peut jouer avec le cadre et les clichés du cinéma. Comme les arrière-plans qui s’emballent quand quelqu’un conduit sur un fond vert par exemple.
Dans Sacré Graal, le chevalier court en direction du château, on a un champ contre champ qui nous montre que ce dernier est très loin, puis le plan d’après, il est juste à côté et tue le premier garde.
On a le même ressort comique dans le film Harold et Kumar quand la voiture de flic surgit de nulle part :
Vous pouvez faire apparaitre des choses dans le cadre de manière ridicule, faire sortir des personnages n’importe comment… Ajouter des effets sonores particulier pour contrebalancer une scène et j’en passe !
Pensez au sound design ! Dans la série Scrubs par exemple, le héros se penche pour embrasser quelqu’un mais le dr Cox entre dans la pièce à ce moment-là. Le son du bisou est alors cassé par le bruit d’une balle qui part.
Je vous invite également à regarder ces deux vidéos sur Buster Keaton et Jackie Chan :
N’oubliez pas que le cinéma est un art de l’image, limitez les dialogues inutiles. Show, don’t tell.
Si vous faites une comédie d’action, donnez à votre personnage un désavantage lors des scènes de combats (les mains menottées, pas de chaussure, pas de vêtement…) pour un décalage comique.
Si vous faites du Slapstick, choisissez le bon angle, filmez et ne trichez pas grâce au montage.
Si le monteur doit couper la scène, il doit montrer l’action une nouvelle fois pour avoir tout dans le même plan et garder la puissance visuelle des coups !
Keaton ou Jackie Chan nous apprennent qu’il ne faut pas couper les plans au moment de l’impact.
Conserver l’action et la réaction dans le même plan reste beaucoup plus réaliste et divertissant.
Vous avez d’autres exemples du style Buster Keaton dans cette vidéo à 10 min 40 :
Dans une idée de ne pas sur couper les scènes au montage, je vous invite à regarder également l’extrait à 22min30 de la vidéo du fossoyeur.
Et pour aller plus loin, vous pouvez regarder la vidéo de Yves Lavandier sur 4 types de comédies silencieuses :
Partie 6 : L’humour dans le langage :
Maintenant qu’on a vu à quoi pouvait ressembler un humour 100% cinéma, on peut aussi s’intéresser aux vannes dans les dialogues.
Des séries comme Kaamelott ou Friends demeurent incontournables même si la plupart de leurs blagues se déroulent à l’oral.
Alors j’ai listé ici quelques pistes de réflexion pour ceux qui veulent utiliser le langage comme ressort comique.
Premièrement : Une prémisse et une chute :
Toutes les blagues ont une prémisse (un premier acte), on établit le décor et le public attend la punchline.
Cette partie doit être bien comprise par les spectateurs pour que la chute ait du sens.
La prémisse sert de setup pour provoquer une certaine attente chez le spectateur.
Vous devez vous demander : quelles sont les attentes de l’audience sur les différences parties de la prémisse ? Brisez ensuite intelligemment chacune des attentes pour que le public rigole.
Pour ça, soyez spécifique. Ne dites pas :
« C’est triste »
Essayez de donner des images à chaque fois comme les romanciers :
« c’est aussi triste qu’un enfant arrêté sur un tourniquet avec une pelle » par exemple (pour un peu d’humour noir).
Donnez des comparaisons, des métaphores et des images :
Au-delà d’une prémisse et d’une chute, on remarquera que dans la blague ci-dessous de Louis CK, aucun des mots n’est à jeter (dialogue au cinéma) :
Chaque mot est porteur de sens ou de rythme.
Deuxièmement : l’ironie :
J’ai pu remarquer qu’une grande partie de l’humour Kaamelott se base sur une forme d’ironie. Dans la saison 5, Arthur prodigue un conseil au Duc d’Aquitaine pour qu’il prenne l’ascendant sur sa femme :
Dans Kaamelott, l’humour provient souvent de la repartie des personnages et du contraste entre leur vouvoiement et les insultes. Entre la fausse courtoisie et le cynisme, le cinglant et le courtois. Mais comme le dit Astier en parlant de De Funès et de sa propre série, Arthur est un rapide entourés de lents. Je pense que cette dynamique à deux vitesses est une base de réflexion pour beaucoup de dialogues comiques.
Un jour, en marchant dans la rue, j’ai vu un tag qui m’a fait sourire. On pouvait lire « Bourgeois.ses, crachez l’argent ». Ce que je trouve marrant ici, c’est que l’auteur a voulu être inclusif et insultant. Un peu comme si je disais : « Excusez-moi mon cher monsieur… Ce que vous faites ne me sied guère et je vous prierais d’aller vous faire enculer ».
C’est, selon moi, ce contraste souvent à l’œuvre dans Kaamelott qui nous fait rire (entre autres).
Dans le même style, je pense qu’une très vieille personne qui explique des mots « jeunes » peut prêter à sourire.
Troisièmement : la sonorité des mots :
Comme le Père de Perceval le dit dans la saison 6 de Kaamelott :
Et comme beaucoup de dialoguistes vous le diront, un dialogue s’apparente à la musique. Il doit sonner autant dans les mots que dans les silences. Travaillez vos phrases pour qu’elles sortent naturellement et pensez chaque mot que vous employez.
Comme le dit Jerry Seinfeld, la sonorité doit être intéressante et le lien entre les vannes aussi.
Tout est une question de rythme comme l’écriture d’une chanson.
Quatrièmement : jeux de mots et phrases littérales :
Les jeux de mots chers au 2 minutes du peuple, conservent un potentiel comique. Pas besoin de vous faire un dessin, vous savez ce que c’est.
Une phrase prononcée de manière littérale – (exemple à 16 min de la vidéo ci-dessus) :
un détective qui entre dans une scène de crime (la prémisse) et dit « let’s take some picture » (attente du spectateur), le détective ne sort pas son appareil photo mais récupère les cadres de la maison (chute).
Conclusion :
J’espère que cet article vous aura plus. J’ai mis beaucoup de temps à l’écrire donc n’hésitez pas à le partager à ceux que ça pourrait intéresser ou tout simplement mettre un commentaire pour me dire merci 😉
J’aimerais conclure avec un conseil de Jerry Seinfeld qui nous dit :
« the biggest laugh need to be in the end » – Pour que les spectateurs se souviennent de vous, vous devez avoir une fin marquante, vous ne voulez pas décevoir votre audience sur la dernière lancée.
La meilleure vanne ne peut ni être au milieu, ni au début !
Faites attention aux sujets polémiques comme les vannes racistes, sexistes, antisémites etc.
A la prochaine pour plus de contenu !