Comment écrire une comédie – Partie 2 :

Pour ceux qui n’ont pas lu le premier article sur les bases de la comédie, je vous conseille d’y faire un tour. Pour les autres, entrons vite dans le vif du sujet !

Partie 0 : introduction :

Cet article n’a pas pour vocations de faire un rappel exhaustif des origines de la comédie ou d’analyser en détail les les évolutions qu’elle a connu. Vous avez Wikipédia pour ça.

Comment fonctionne une vanne, un bon dialogue, l’humour visuel … Mon but ici est de vous donner une bonne base de réflexion pour écrire votre première comédie.

L’humour est l’un des exercices les plus compliqués lorsqu’on est écrivain ou acteur… Ce qui nous fait rire n’aura pas toujours le luxe de faire rire les autres, alors comment savoir si ce qu’on écrit est vraiment drôle ou pas ? En fonction de nos origines sociales, notre pays, notre culture, notre sensibilité et j’en passe, une vanne a autant de chance de faire un carton pour quelqu’un, qu’un énorme bide pour un autre…

Beaucoup de choses restent subjectives… et pourtant ! Les « Prouts » semblent faire rire la race humaine depuis très longtemps !

  • Robert provine – spécialiste du comportement humain et animal a démontré qu’on est 30 % plus susceptible de rire en présence de quelqu’un que si on est tout seul. Ce qui signifie que le rire est un mécanisme social aussi déclenché par les neurones miroirs comme le sourire et le bâillement.

Cette blague que vous voyez ci-dessus, date en fait de 1900 ans avant JC. Retrouvée sur une tablette sumérienne, c’est la plus vieille vanne à notre connaissance ! 

Ce qui serait intéressant c’est de trouver des éléments comiques quels que soient l’époque ou le lieu. Mais on y viendra dans les différentes parties.

En attendant, voici quelques raisons de vous intéresser à l’humour :

  • Comme le dit Andrew Tarvin dans « The skill of Humor », l’humour peut nous rendre plus productif, moins stressé et plus heureux !
    Il permet de se faire entendre des gens, augmente la mémoire à long terme, la compréhension, l’apprentissage et aide à mieux communiquer. L’humour permet également d’améliorer son esprit d’équipe, de réduire les écarts de statuts, de désamorcer les conflits …

Partie 1 : La comédie ne se dispense pas de structure :

Si l’humour est une compétence alors on peut l’apprendre :

Ecrire une bonne vanne, un bon dialogue ou un bon film dépend de ce que vous avez appris et de votre sensibilité.

Comme le dit Steven Wright, la comédie se base d’abord sur ce qu’on observe et que les gens ne voient peut-être pas, ou différemment. Peut-être que votre formulation ou votre raisonnement est intéressant mais que vous ne savez pas comment le dire… Pour savoir si quelque chose va être marrant, beaucoup d’humoristes se basent sur leur instinct. Réfléchissez à ce qui vous fait rire et pourquoi.
Selon Kyan Khojandi, le stand up de quelqu’un exprime sa façon de voir le monde. Plutôt que de dire « les gens sont comme ça », « les femmes sont… », « les hommes sont… » racontez plutôt « je connais quelqu’un qui… ». Si ce n’est pas une expérience partagée par votre public il pourra tout de même s’identifier à l’histoire que vous racontez. Le but n’étant pas de faire des généralités mais de connecter différentes choses qui ne devraient pas l’être.

Comme pour l’écriture de tout scénario, ne cherchez pas à être original à tout prix mais innovez par le traitement ! Exprimez votre point de vue, explorez-le et pratiquez encore et encore.

Les types de comédies sont très variés …

– Le duo comique : deux personnages que tout oppose, évoluant dans des univers différents, se retrouvent piégés dans un monde qu’ils ne maitrisent pas.
– la comédie théâtrale : souvent un huis clos comme le prénom, le diner de cons ou le père noël est une ordure.
– La comédie personnage : Avec des gens hauts en couleur dans un univers cohérent comme le film Chouchou, Coco ou Borat.
– La Comédie absurde : Avec des personnages hauts en couleur dans un univers incohérent qui part en sucette à tous les niveaux.
– La Teen comédie : centrée plus sur les ados et les problèmes inhérents au lycée etc.
– Et plein d’autres genres comme la comédie romantique, la comédie dramatique, la comédie d’action (comme wasabi) et j’en passe !

Mais peu importe le genre que vous voulez suivre, vous devez réfléchir à votre structure scénaristique et à l’évolution de votre personnage !
Même si vous avez une facilité pour faire rire les gens, votre sensibilité devrait toujours être couplée à l’ingénierie froide de la structure comme le dit Alexandre Astier. Allez plus loin que l’idée de base, travaillez l’évolution de vos personnages et sélectionnez les points clés de votre histoire.
N’oubliez pas aussi que les intrigues secondaires doivent rejoindre la principale.

Essayez dans un premier temps de rester dans un univers qui vous parle (comme les scénaristes de « nos jours heureux » qui ont déjà fait des colos en tant que moniteurs)

L’humour reste quelque chose de très compliqué à écrire… Parfois, il ne dépend pas de la phrase en elle-même mais de celui qui la raconte. Deux personnes différentes peuvent obtenir des réactions opposées. On peut également faire rire sans pour autant chercher à être marrant et inversement….
Au final l’humour reste quelque chose de très subjectif même si la base théorique peut être transmise.

Alors autant mettre toute les chances de votre côté avec une bonne histoire et une bonne structure. Si les gens ne rigolent pas à vos vannes, ils pourront tout de même suivre une histoire intéressante !
A ce titre, vous devez respecter votre comédie comme un film sérieux. N’oubliez pas que votre personnage subit réellement des problèmes pendant que les spectateurs rigolent.

En ce sens je trouve que la comédie et la tragédie fonctionnent très bien ensemble si vous savez gérer les deux parties. La tragédie permet de ramener du sérieux à votre histoire et décrire une base que les gens pourront suivre, tandis que la comédie vient comme une brise d’été rafraîchir l’ensemble et offrir au spectateur des moments de répit pour souffler.

Selon moi des exemples parfaits dans ce style restent les comédie de Kheiron et la saisons 5 et 6 de Kaamelott qui nous font passer du rire aux larmes.
Par contre, si les deux ne s’enchainent pas correctement, la tragédie vient étouffer le rire et la comédie semble être de trop…

« Choisir le bon moment, quand ça a du sens – désamorcer une situation – on se sert de l’humour quand la crise est passée pour relâcher la pression, faire attention à ce que l’humour n’arrive pas trop tôt ou trop tard. »

Partie 2 : mise en pratique :

La règle de trois :

Que ce soit pour du slapstick, de l’humour d’observation, la satire ou l’humour noir, la règle de trois peut vous aider : 

« Pourquoi est-ce que t’es là ? Pour bosser, par plaisir ou parce que t’es con ? »

Essayez de placer la chute en troisième position. Elle aura souvent plus d’impact. Un personnage peut esquiver deux coups et prendre le troisième dans la gueule. Le fait de mettre une occurrence de deux choses avant la chute permet au spectateur de penser qu’une routine est en train de s’installer. Le personnage rentre dans un schéma qu’on pense reproductible à l’infini, pour ensuite surprendre et briser cette routine de deux par une chute en troisième position.
 
Dans l’exemple ci-dessus, si on avait simplement dit :
« Pourquoi est-ce que t’es là ? Pour bosser ou parce que t’es con ? »
Ce n’est plus vraiment une vanne mais du mépris…

Yves Lavandier explique ceci par A-A-A’ :

La répétition de deux éléments permet d’introduire une altération en troisième position pour la chute. 
SI A est une scène, un mot, une phrase, une séquence … A’ est une altération de A.

L’hyperbole :

Souvenez-vous que l’hyperbole peut être marrante, quand quelque chose de surdimensionné ou disproportionné par rapport à la situation survient. Ou quand un personnage ne sait pas quand s’arrêter. Pensez au contraste pour accentuer l’effet. Un débile face à un grand intellectuel par exemple.  Mais n’oubliez pas qu’accentuer une blague ou faire rire les personnages ne rendra pas la vanne plus marrante. Si le spectateur ne rit pas, pas besoin de forcer le rire en faisant des grimaces ou des mimes exagérés. Je pense que votre audience ne doit pas se rendre compte que vous cherchez à la faire rire à tout prix. Soyez subtil.

Association et comparaison :

Utilisez la comparaison et associer deux éléments qui n’ont rien à voir.
Lorsque Stephen King dit au détour d’une ligne « Il fait noir comme dans un trou du cul », on ne s’y attend pas vu le mood, et dans mon cas je trouve ça très marrant.

Le contraste :

Juxtaposer deux éléments opposés reste un bon moyen de rigoler, par exemple :


Quelqu’un de stupide qui dit à un autre plus intelligent : « t’es con ou quoi ? » ;
Quelqu’un de laid qui dit à un autre bien plus beau « t’es moche toi… » ;
Quelqu’un qui se moque d’un autre qui vient de tomber mais qui tombe en se moquant ;
Quelqu’un qui reproche à l’autre de ne pas avoir fait quelque chose alors que lui non plus n’a rien fait

… Utilisez la dynamique de l’Auguste et du Clown Blanc.

L’auguste : Annie Fratellini (le bêbête, le maladroit)

Le clown blanc : Pierre Etaix , celui qui regarde les maladresses de l’Auguste avec consternation ou ironie :

Dans Friends, Joey et Chandler font souvent office d’Auguste et de Clown Blanc. À savoir que dans les sitcoms, les rôles changent fréquemment entre les personnages (selon la scène, l’auguste peut être joué par Ross, Phoebe, Rachel ou Monica). C’est d’ailleurs beaucoup plus marrant quand c’est l’auguste lui-même (Joey) qui devient le clown blanc et qui fait la morale à l’ancien clown blanc justement.

Ce type de dynamique permet de créer du contraste, mais ce n’est pas la seule manière.

Dans Le péril Jeune (1994) – Klapish, un jeune homme s’entraine à un solo de guitare. Il gratte chacune des cordes péniblement et réécoute le morceau qu’il voulait jouer. Le spectateur entend un solo endiablé, très rapide, rien à voir avec ce qu’a fait le personnage.

Le décalage comique peut apparaitre entre mot et action (« je ne le ferais pas » et dans la scène d’après, il est en train de le faire), entre quelque chose de normal et d’anormal et dans la scène de Klapish : entre l’intention et le résultat.
Dans cette scène, le résultat est avant l’intention, c’est ce qui la rend unique. En règle générale, l’obstacle apparait après l’objectif, comme dans le film Manhattan (de Woody Allen).
Dans Manhattan, le héros veut faire un geste romantique et mettre sa main dans l’eau, mais il en ressort plein de boue… (contraste entre l’intention romantique et le résultat non désiré).
Selon Yves Lavandier, ce qui rend la scène du péril jeune peut être un peu mieux, c’est que le gag se base non seulement sur un décalage, mais également une surprise.  

Deux autres exemples mettant en scène le contraste comique entre les attentes du spectateur et la chute :
Dans Solar Opposites saison 4 épisode 5, le début de l’épisode commence avec des vannes horribles que fait Korvo sur les autres avant d’être vexé par une vanne toute mignonne que fait Jesse.
Dans le même style, dans un épisode des Simpson : Barney, Carl et Lenny mettent des serpents venimeux, et des pièges mortels pour faire rire Moe dans son bar. Homer, lui, dévisse le pot de sel qui finit par se renverser dans le café de Moe. Ce dernier s’énerve et affirme que Homer a dépassé les bornes.

Vous pouvez aussi faire une Juxtaposition d’éléments grotesques au milieu d’une scène sérieuse :
Dans Modern Family, tout le monde se pète la gueule lors de la remise de diplôme d’Alex.

L’incompréhension :

– Quelqu’un qui ne comprend pas un mot (comme dans le flambeau avec le running gag « c’est qui William ? », dans Kaamelott lorsque Perceval confond le mot élan et l’animal, lorsqu’une citation ou un prénom sont mal restitués…)

Une information improbable distribuée à la mauvaise personne :

Panayotis explique, étant petit, qu’il allait voir les amis de sa mère pour leur dire qu’il avait mal aux fesses…

Sans contexte, on ne sait pas comment réagir, l’information devient une patate chaude dont on essaie de se débarrasser. Je pense qu’il y a toujours quelque chose de marrant quand on est témoin de ce genre de scène.


La sélection de détail inutile :

Suite à un grand laïus inquisiteur, l’interlocuteur retient un détail inutile qui en dit long sur lui : 
Dans OSS 117, Larmina liste tous les défauts de l’espion pour que celui-ci finisse par retenir « que je m’habille mal ? »

Ou dans Kaamelott quand la reine fond en larme et explique tous ses malheurs au roi qui finit par conclure : « je crois pas que vous soyez le symbole de la nation bretonne ».

Si une vanne ne marche pas :

Si une blague ne réussit pas son job, c’est sûrement à cause d’une des raisons listées ci-dessous :

– Votre auditeur n’est pas sensible au sujet qui peut être tabou pour lui : la drogue, le sexe, la religion etc.
– Vous n’avez peut-être pas la bonne cible en face de vous. Une blague pourrait faire rire vos amis et faire grincer votre patron ou votre collègue…
– Votre timing est mauvais. Une blague sur la personne décédée pendant son enterrement ? C’est peut-être un peu tôt pour votre entourage…

Partie 3 : La comédie est basée sur le conflit :

Le Philosophe de l’humour John Morreall pose la question suivante :
Si l’humour consiste à contredire nos attentes, la façon dont on voit le monde directement, pourquoi trouve-t-on ça agréable ?
Peut-être qu’il permet d’explorer nos codes sociaux et moraux afin d’apprendre quelque chose ?

Peu importe l’humour, la comédie est basée sur le conflit, moteur de la dramaturgie.
On rigole quand les personnages ont des problèmes, lorsqu’ils tombent, que tout ne se passe pas comme prévu…

Dans le slapstick, on rigole souvent d’un masochisme bénin. Dans Shaun of the dead, fleabag, les bronzés… les blagues n’en sont pas pour les personnages. Au contraire, il n’est pas rare de voir la loi de Murphys s’exercer, quand tout va de travers au fur et à mesure !  

https://www.youtube.com/watch?v=E5JTi8BjCS8 5min55 à Christian clavier qui dit qu’on doit « être sans pitié avec les personnages qu’on écrit sans pour autant les mépriser »

 

Conflit et contexte :

Pour vous aider à réfléchir aux différents types de conflits qui peuvent avoir lieu dans une scène, je vous fait un petit rappel de McKee juste ici :

Dans Story, Mckee fait la distinction entre trois types de conflits :

L’intime :
conflit intérieur du personnage, débat mental qui concerne l’esprit et le corps…
– Le personnel :
concerne la sphère personnelle, souvent la famille, ami et amour…
– Et l’extra personnel :
l’environnement social, institution sociale … qui est-il en tant que citoyen par rapport à sa sphère intime de conviction ?

Il liste également trois niveaux de psychologies en fonction des gens avec qui on est.

La sphère intime : (Soi)
La sphère interpersonnelle (amis, amour, famille)
La Sphère sociale (professionnelle, institutionnelle, géopolitique)

Donc pensez aux trois niveaux de conflits et de psychologies pour écrire des dialogues et des situations plus réalistes. On agira différemment au travail, avec des potes, en famille ou au théâtre… Pensez en détail votre fiche personnage et comment les différents niveaux peuvent interagir entre eux !

Le conflit se greffe à l’intrigue comme la chair sur les os. N’oubliez pas que l’intrigue répond aux questions :
Qui ? Quoi ? Où ? Comment ?

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