Sommaire et contenu de l'article :
ToggleDans le premier article, nous avons vu les archétypes du héros et du mentor et nous allons voir aujourd’hui tous les autres.
Donc sans plus tarder, entrons dans le vif du sujet :
Le gardien du seuil :
Comme son nom l’indique, cet archétype se trouve au seuil de certains lieux pour en garder l’entrée et empêcher ceux qui n’en sont pas dignes, d’y entrer.
Ce n’est pas un ennemi à proprement parler puisqu’il peut être contourné ou se transformer en allié s’il n’est pas vaincu et que le héros cherche à comprendre sa motivation profonde, ses peurs et désirs etc.
Le gardien du seuil peut être neutre ou le sous-fifre du grand « méchant » ou même un garde pour protéger l’empereur par exemple (sentinelle, veilleur de nuit, bandits etc.)
Cette sorte d’archétype permet au héros de tester sa volonté et ses capacités à surmonter les obstacles.
Il représente nos obstacles de tous les jours, mauvais temps, malchance, préjugé, traîtrise, peine de cœurs … et nos démons intérieurs : dépendance, vice, névrose, toc, pensée limitante …
Je pense que tout le monde crée ses propres démons, et malgré la dépression ou les galères de la vie, les gardiens du seuil sont là pour tester notre détermination à changer, notre résolution à l’épreuve pour la quête d’un « monde meilleur ».
Donc vous l’aurez compris cette sorte d’archétype et d’antagoniste sert surtout à challenger le héros sous différentes formes, à l’instar du sphinx qui soumet une énigme à Œdipe.
La réponse que vous allez fournir définira votre héros :
Il peut être du genre à attaquer de front, ou à contourner l’obstacle, jouer un tour au gardien ou l’apaiser grâce à une supercherie pour en faire un allié. Quitte parfois même à prendre son apparence (comme dans le magicien d’Oz où les protagonistes volent les costumes des gardes pour pénétrer dans la forteresse).
Même si le gardien du seuil semble attaquer le héros, il peut aussi parfois lui rendre un grand service et l’aider à ressortir plus fort de cette épreuve.
Idéalement, selon Vogler, le gardien doit être incorporé plutôt que vaincu.
Un héros au stade final éprouve même de la compassion pour l’ennemi et le surpasse au lieu de l’anéantir.
Le héros doit voir au-delà des apparences pour comprendre la réalité profonde du monde extraordinaire et traiter avec les gardiens. Comme les statues des temples japonais qui semblent nous faire stop de la main mais en y regardant davantage nous invite à entrer selon Campbell.
Ce genre de personnages peut survenir aussi pour contrecarrer le plan prévu par le héros. Pour favoriser les rebondissements, il est conseillé de mettre en place un plan « d’attaque », qui ne se passera pas comme prévu et qui peut empirer jusqu’au climax.
Le messager :
Ce personnage est semblable à l’Hérault (officier d’armes) des romans chevaleresques du Moyen Âge. Il annonce un défi et de grands changements à venir.
Malgré le mensonge auquel le protagoniste croit, ses défauts et son arc transformationnel incomplet, le héros a réussi à trouver des systèmes de défense et des techniques d’adaptation qui lui ont permis tant bien que mal de survivre dans le monde ordinaire.
C’est là que l’incident déclencheur ou un évènement de ce genre survient et oblige le héros à changer.
Il doit donc prendre une décision :
– Soit il continue de s’enfermer dans ses démons (le spectateur apprendra de sa fin tragique)
– Soit il décide d’agir et commencent ainsi les péripéties de l’acte deux.
En d’autres termes, le messager apparaît souvent lors de l’appel à l’aventure et indique par la même occasion que le changement devient nécessaire.
Dans la mythologie grecque, ce messager est incarné par Hermès.
Comme tous les archétypes il peut prendre une infinité de formes (une idée, un rêve, un personnage, une voix, un évènement catastrophe etc. (comme l’effondrement d’un système ou d’un bâtiment) un coup de téléphone, un courrier…)
Son apparition fait rebondir l’histoire et permet parfois de motiver le/la héros/héroïne.
En règle générale, le héros refuse le premier appel à l’aventure, car il a peur et le messager peut rappeler au personnage son passé et les raisons qui doivent le pousser au changement.
Le messager donne de temps en temps un aperçu de ce qui va se passer et les conséquences terribles d’un potentiel maintien du statut quo.
Il peut être neutre, méchant ou gentil et ne pas s’adresser au héros, mais au spectateur. Lorsque Dark Vador kidnappe la princesse Leia avant que Luke Skywalker arrive, on sait déjà que tout va changer dans le monde ordinaire.
Le messager arrive souvent avant l’acte deux, mais, comme d’habitude, il n’y a pas de règle dans l’art. Vous pouvez le mettre à n’importe quel moment pour faire rebondir l’histoire (qu’il soit intérieur ou extérieur).
Le personnage protéiforme :
L’adjectif protéiforme nous vient du mythe grec de Protée, fils de l’océan et de Téthys.
Mélénas le piège pour obtenir certaines réponses mais il se métamorphose en lion, serpent, panthère, sanglier, ruisseau et arbre. Mélénas attend patiemment que Protée reprenne sa forme initiale afin de répondre à ses questions.
La vérité surgit de cet archétype si le héros est patient.
Cet archétype change constamment d’apparence et d’humeur. C’est un personnage à deux visages, déroutant, bipolaire et/ou lunatique.
Dans « liaison fatale » la femme du film est tantôt une amante passionnée et tantôt une folle meurtrière.
Ce type de personnage trompe le héros, sa sincérité et sa loyauté ne sont parfois que des leurres (une sorcière est un personnage protéiforme classique du conte de fées) et son rôle est souvent de stimuler l’énergie animus et anima comme le définit Carl Jung.
Définition tirer d’universalis :
« respectivement, l’âme (anima) et l’esprit (animus) selon une hiérarchie de dignité ontologique : corps, âme, puis esprit. Le niveau intermédiaire de l’âme (anima) correspond au monde des images et semble réaliser un lien entre les deux autres niveaux. »
« L’anima sera une réalité vivante, une force d’animation, une puissance inconsciente qui porte et hante le langage conscient et la pensée rationnelle »
« Puis dans un second moment de son œuvre, Jung va relativiser cette découverte en comprenant que sa conception de l’anima était unilatérale. Il acquiert la conviction que l’anima ne présente qu’une face de la relation entre l’être humain et son âme. En fait, elle correspond seulement à une expérience masculine de l’âme. Sous la couche de raison et de pensée, cette puissante anima est une incarnation féminine de l’imagination masculine. D’où, selon Jung, la nécessité de lui adjoindre en symétrie un pendant qui puisse correspondre à l’expérience féminine de l’âme. Ce sera l’hypothèse d’un animus, aspect masculin de l’âme de la femme, visage de son imagination, en arrière, en retrait du niveau conscient de son identité sexuelle. »
Explication :
Pour faire plus simple, Jung désignait par le terme d’animus « l’élément mâle de l’inconscient féminin » et inversement pour l’anima.
Malheureusement la société nous a conditionné en deux genres bien distincts en définissant les hommes d’une façon et les femmes d’une autre :
Aujourd’hui les hommes retrouvent leur « qualité féminine » – sensibilité, intuition, capacité de parler de ses émotions etc. Et les femmes leur « énergie masculine » pouvoir et assurance que la société a essayé d’éradiquer en elles.
Lors d’une première rencontre, on a tendance à imaginer notre idéal du partenaire parfait chez celui ou celle qu’on découvre. Parfois, on développe la relation amoureuse en essayant de pousser l’autre à ressembler à nos projections d’animus et d’anima.
Hitchcock le fait très bien dans « Sueurs froides » lorsqu’il demande à Kim Novak de s’habiller comme Carlotta.
On a du mal à comprendre parfois notre propre sexualité, nos envies, nos désirs et encore moins ceux des autres – anima et animus sont une représentation de ça.
L’archétype du personnage protéiforme annonce aussi le désir de transformation, il est le reflet de nos contradictions, ces idées préconçues qu’on a sur le sexe, les relations entre humains et l’amour.
Ce personnage peut être positif ou négatif mais il suscite le suspense et sème le doute dans l’esprit du héros / héroïne ; on peut se demander si c’est un traître ou quelqu’un qui parle d’amour sincère (on voit beaucoup ça dans les films noirs où la motivation et la loyauté de certains personnages ne sont pas avérées).
Femme fatale, Don Juan, Eve du jardin d’Éden, Dalia coupant les cheveux de Samson pour supprimer sa force, tous sont des personnages protéiformes…
Zeus lui-même est un grand personnage protéiforme (se métamorphosant pour séduire des jeunes femmes ou pour les violer) très loin d’être constant dans ses actions et sa façon d’être.
Les Vampires et Les loups garous sont aussi des personnages protéiformes classiques qui dépeignent la frontière fine entre l’amour et la haine. Un peu comme le personnage de Dr Jekyll et Mister Hyde.
Les mensonges et le changement de comportement peuvent indiquer la présence de cet archétype comme Eric Judor dans Platane.
Mais cet archétype n’est pas obligatoirement fatal ! Il doit surtout semer la confusion.
L’amour rend aveugle, on joue parfois un rôle et on ne voie pas plus loin que l’idéalisation et le masque.
Les archétypes ne sont que des outils qui doivent avoir une fonction dans l’histoire, un personnage peut porter ce masque momentanément parce qu’il est timide et stressé ou passe son temps à mentir lors d’une soirée pour impressionner les autres, il peut se déguiser pour échapper à la police etc. pour séduire et tromper…
L'ombre :
Cet Archétype représente nos démons, les parties de nous que l’on veut cacher, tout ce qu’on n’aime pas de nous-mêmes, des remords ou des regrets, tout ce qu’on a refoulé et qui se cache dans notre inconscient.
Petit rappel : « Le subconscient se repose sur les habitudes acquises, alors que l’inconscient repose sur ce qui est inné, plus enfoui. Freud parlait plutôt d’inconscient que de subconscient, lors de ses séances de travail. »
A savoir que l’ombre peut aussi abriter certaines qualités que nous avons enfouies pour telle ou telle raison.
L’ombre peut pousser les alliés du héros à avoir le même but mais à choisir un chemin différent pour l’atteindre, ou pousser le méchant à tuer ou faire échouer le héros dans sa quête.
L’ombre est un concentré de sentiment refoulé, de traumatisme et de culpabilité qui corrompt et détruit la personne qui n’ose pas la regarder en face. A savoir que l’ombre peut aussi porter la casquette du protéiforme. Les deux marchent bien ensemble.
L’ombre permet de tester le héros, le force à montrer le meilleur de lui-même.
Retenez bien ceci : La valeur du héros dépend de la puissance de son antagoniste, ce qui crée le conflit (moteur de la dramaturgie), les enjeux et le dépassement de soi.
L’ombre peut être un masque porté par un tiers, par le héros lui-même lors de ses moments de doute ou d’abus de pouvoir (s’il devient égoïste par exemple), il peut même être porté par un mentor trop excessif ou par un amant aveuglé par le désir …
Il est conseillé d’éviter les extrêmes sous peine de tomber dans un traitement manichéen de vos personnages. Tout est Ying et yang, une ombre peut être par moment bonne afin de la rendre plus humaine, plus vraie.
Une autre astuce pour rendre une ombre plus humaine c’est de lui donner une vulnérabilité comme le romancier Graham Greene le fait en fragilisant ses antagonistes.
Un méchant n’est jamais vraiment méchant, il y a toujours un choix moral à faire si on l’élimine.
Quand on pense que la fin justifie les moyens ou que notre cause est juste à 100%, on peut tomber dans le vice du « méchant ». Se dire « je le fais pour eux » alors qu’on le fait pour nous. Pire, on peut se battre pour l’idéalisation d’un monde qui n’existe que dans notre tête et qui mènera pour finir l’humanité à sa perte.
Les antagonistes ne sont pas toujours persuadés d’être méchants, comme les fous pensent que le reste de la société est folle.
Dr Jekyll et Mr Hyde est un bon exemple d’ombre.
L’ombre permet d’illustrer certains chemins psychologiques tortueux et les choix de vie compliqués.
L’ombre peut aussi servir d’outil scénaristique pour permettre au héros de comprendre sa partie obscure et par la même occasion celle du méchant. Encore une fois, rappelez-vous qu’un bon antagoniste est une sorte de reflet du héros (Batman et le Joker) ; il doit être le meilleur pour empêcher le protagoniste d’atteindre son objectif. Un antagoniste ne doit pas forcément être « puissant » mais juste très doué pour mettre des bâtons dans les roues du héros.
L'allié :
Le compagnon du héros permet d’ajouter de l’humour, d’expliquer un truc au public comme Watson (admiratif et narrateur de l’intelligence de Sherlock) ou Robin (pour Batman), de servir de conscience (Jiminy Cricket), de mettre en garde le héros ou encore le challenger.
Don Quichotte et son écuyer Sancho Panza sont deux pôles opposés et ont tous les deux une façon très différente de voir le monde. Tout comme Zorro et Bernardo.
Le sidekick (complice, assistante) est un terme qui désignait début 1800, dans l’argot des pickpockets, la poche sur le côté des pantalons.
En d’autres termes le sidekick est celui que vous gardez aussi proche que vous pouvez.
Il est celui qui trouve parfois des excuses et des alibis au héros comme Alfred pour Batman ou Planchet pour d’Artagnan
L’allié peut aussi offrir au scénario du conflit lorsqu’il y a des escales ou un problème qui fait perdre la foi au groupe. L’acolyte peut tomber dans l’alcoolisme, la drogue, céder à ses démons… il reste humain.
L’amitié c’est pour les bons comme les mauvais moments !
L’allié peut être également une sorte d’esprit, d’ange gardien comme dans la mythologie égyptienne lorsque khnoum (dieu constructeur à tête de bélier) créa les humains à base d’argile et ajouta pour chacun d’entre eux un « Ka » (esprit protecteur possédant la même apparence)
Un peu comme la bonne conscience ou le genius.
Les Romains pensaient que chaque homme avait un gardien « GENIUS » et les femmes un « JUNO »,
les fantômes d’ancêtres d’une famille distinguée. Puis, ils sont devenus une sorte de déité à qui on doit faire des offrandes lors de son anniversaire etc. pour être ensuite guidé et avoir une meilleure conscience spirituelle.
L’allié peut aussi être un animal, un fantôme, un robot, une créature …. Et guide le héros dans son parcours émotionnel et spirituel autant que celui-ci aide son allié.
Mais l’allié peut aussi servir au narrateur pour exprimer une partie de la personnalité du héros ou une force interne.
Il complète le héros et aide à trouver des solutions alternatives au problème
Trickster :
Cet archétype incarne la ruse et la dissimulation.
En ouest américain le Trickster est le mauvais génie ou génie farceur.
Cet archétype permet au protagoniste de votre histoire de garder les pieds sur terre, de rester humble et de corriger les égos démesurés.
Le rire est l’un de ses outils de prédilection et provoque des changements sains en remettant en cause la vision de la folie ou l’absurdité d’une situation.
Il fait tout pour détruire le statut quo et remettre en question le sérieux du monde pour le remplacer par la malice.
Il peut servir à l’histoire dramatique en mettant une scène comique pour soulager le spectateur :
« Faites-les beaucoup pleurer, faites-les rire un peu » !
Loki est un exemple parfait du trickster et du personnage protéiforme, il vainc des ennemis plus forts que lui en utilisant la ruse et son esprit.
Daffy Duck, Woody Woodpecker et Bip Bip sont aussi des tricksters du monde animé.
Ce type de personnage aime parfois semer la zizanie pour le plaisir, comme l’exemple que donne Campbell dans son livre où le dieu farceur nigérien Edshu circule avec un chapeau bleu d’un côté et rouge de l’autre afin de créer la discorde parmi les villageois qui sont tous persuadés d’avoir vu la bonne couleur – « engendrer la contestation, c’est ce qui m’amuse le plus ».
Le trickster ébranle un système ou des personnes sans en être affecté.
Voilà c’est la fin de cet article sur les archétypes, n’oubliez pas que ce ne sont que des outils, pour mieux cerner les rôles de vos personnages et en créer de nouveaux ; les archétypes permettent de créer un individu unique représentant pourtant quelque chose d’universel dans les défauts et qualités humains.
S’inspirer des anciens mythes pour comprendre ce qui marche aujourd’hui, les histoires nous apprennent à comprendre l’être humain … Il suffit de lire entre les lignes 😊