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ToggleDans le guide du scénariste de Vogler (« le voyage du héros »), l’auteur décrit plusieurs archétypes que vous pouvez utiliser dans vos histoires et donne aussi leurs fonctions universelles et particulières. Je vous conseille de lire le livre en entier, mais j’ai voulu ici retranscrire certaines infos sur ces figures pour vous aider à construire vos futurs personnages.
Avant de commencer cet article, je vous conseille de lire celui sur le voyage du héros et l’arc transformationnel sinon vous risquez de ne pas comprendre tous les termes que j’utilise.
Donc sans plus tarder, entrons dans le vif du sujet :
Avant-propos :
Sachez qu’un archétype n’a pas besoin de rester figé et cloisonné à une personne en particulier. Le masque archétypale peut passer d’un personnage à l’autre en fonction de la scène.
Les qualités et les défauts humains dépendent de celui qui les observe (quelqu’un d’organisé, de très formel, bavard ou timide, pompeux ou non etc. chaque qualité peut être aussi un défaut en fonction de celui qui juge) – mais les archétypes sont des représentations de ces qualités et défauts un peu comme les arcanes majeurs du tarot qui représentent certains traits de notre personnalité
Au final, en tant qu’auteur, nous écrivons des histoires qui s’adressent aux humains (on ne fait pas un film pour son chien ou un élevage de fourmis 😉) on parle de la vie, grandir, se battre, apprendre et devenir quelqu’un avant de mourir.
Si les mythes et légendes datant de plus de 3000 ans résonnent encore de nos jours c’est parce que les personnages décrits dans ces contes sont aussi humains que nous. L’analyse de Campbell sur tous ces archétypes permet aussi aux auteurs d’aujourd’hui de comprendre en partie ce qui nous rend humain.
Les différents archétypes décrits par Vogler sont :
– personnage protéiforme
– gardien du seuil
– trickster (mauvais génie) (qui vient de l’anglais « trick » qui veut dire « tour », jouer un tour)
– ombre
– messager
– allié
– mentor (un vieux sage par exemple qui joue le rôle de conseiller)
– héros
Mais les archétypes sont infinis, il en existe autant qu’il y a de personnalités. On peut d’ailleurs citer :
– le loup
– le chasseur
– La belle-mère (marâtre)
– le prince etc.
– l’aubergiste avare et cupide
– le bon et le méchant flic
– la prostituée au cœur d’or etc.
– le bouc émissaire
– Le maître
– Le séducteur
– l’allié
– le traître
Et cette liste est loin d’être exhaustive …
Jung et d’autres psychanalystes ont d’ailleurs identifié d’autres archétypes psychologiques comme « l’éternel enfant » (puer aeternus ou l’idée qu’un enfant vit toujours dans chaque personne) ou le jeune cupidon (l’humain qui ne veut pas grandir, mais la plupart des gens le connaissent surtout sous l’appellation « syndrome de Peter Pan ».)
Sachez qu’un archétype remplit une fonction précise dans un récit (que ce soit pour donner une info ou susciter une émotion qui sera primordiale dans l’évolution du héros etc.) vous devez savoir à quoi vous sert un personnage et ce qu’il implique dans l’histoire. Le masque archétypal permet également de cocher une case psychologique (une personnalité).
Le héros (ou l’héroïne) :
Dans la suite de l’article, j’utilise souvent le pronom masculin parce que je suis un homme. J’écris parfois « ielles » mais ce n’est pas encore devenu un réflexe pour moi. Je parle de héros et je n’écris pas toujours « /héroïne » mais évidemment, chaque archétype existe sous le sexe que vous voulez. Il n’y a pas de genre dans les personnages que vous créez. La suite de mes articles comprendra de plus en plus d’écriture inclusive. Veuillez me pardonner celui-là.
Maintenant que c’est dit, entrons dans le vif du sujet :
Pour ceux qui ne le savent pas, l’origine grecque de « héros » a un lien avec les notions de protection et servir. Ainsi l’acte le plus héroïque et dramatique qui soit dans une histoire est celui du sacrifice de soi pour protéger les autres.
D’ailleurs, le terme sacrifice renvoie au fait de « rendre saint », « faire sacré » . Le héros est prêt au sacrifice ultime pour son idéal (sauf si vous décidez d’écrire sur un anti-héros par exemple).
En psychologie le héros représente le « moi » (partie de la personnalité la plus consciente, qui joue un rôle de régulateur) désigné par Freud (à distinguer du « ça » (pulsion) et du « sur moi » (intérêt extérieur)).
Votre héros devra donc transcender les illusions du moi pour devenir un être complet et équilibré.
Beaucoup de héros partent de leur « tribu », de leur terre natale, de leur famille etc. afin de mieux revenir. Car une rupture est parfois nécessaire pour se retrouver avec soi-même, mais la douleur est semblable à l’enfant séparé de sa mère. C’est en partant de son village qu’on passe de l’acte un à l’acte deux.
L’archétype du héros symbolise en d’autres termes la quête d’identité.
Tous les archétypes sont une facette de notre personnalité que nous devons apprivoiser pour devenir quelqu’un de complet et équilibré (trouver le juste milieu en chaque chose quoi).
Le MOI doit intégrer des personnalités pour devenir SOI.
Au final, le héros n’est qu’un medium pour que le spectateur vive l’histoire à travers ses yeux et change avec lui, il doit donc s’identifier à votre protagoniste. Retrouver une part de lui à l’intérieur de vos personnages.
Si on raconte des histoires qui datent d’il y a trois mille ans mais qui ont toujours autant de succès c’est parce que l’humain n’a pas beaucoup changé depuis tout ce temps : le désir d’être aimé et compris, la liberté, la vengeance, les ruptures, l’idéalisme, la convoitise, le désespoir et la mort sont une liste non exhaustive des caractéristiques qui font de nous des humains depuis toujours.
On subit la condition humaine.
Pour moi, une bonne histoire s’adresse à l’être qui est fond de chacun de nous et qui résonnera pendant des siècles à travers les humains qui vont s’y retrouver (Roméo et Juliette, L’Odyssée, Œdipe etc.). Le mythe d’Icare n’est qu’un exemple des centaines d’histoires grecques qui nous parlent encore aujourd’hui !
Un héros exprime la condition humaine en ayant des caractéristiques « universelles » tout en restant original et particulier. Il doit être mitigé entre plusieurs sentiments, avoir des qualités admirables mais aussi des défauts, des vices et des névroses etc. (il ne doit pas être parfait au risque de ne pas sembler humain). Il est parfois recommandé de donner à son héros un mensonge auquel il croit, un arc transformationnel.
Le héros doit avoir certains défauts pour qu’il puisse évoluer et apprendre au cours de l’histoire en fonction des obstacles qu’il rencontre et de son antagoniste.
Plusieurs contes de fée représentaient ce manque de manière littérale avec la perte d’un proche pour nous amener à la fin de l’histoire et à la réunification de la famille (ou à défaut, la création d’une nouvelle).
Fonction dramatique :
Le conflit est le moteur de la dramaturgie. Si vous faites une histoire sur quelqu’un qui va chercher le pain et qui rentre chez lui se faire des tartines, comme il n’y a pas de problème, c’est vite ennuyant.
Le conflit permet le dépassement de soi et l’apprentissage de nouvelles choses. Mais le mot « conflit » ne dois pas toujours être pris au sens physique du terme (agression, attaque de ninja, robot tueur etc.) ; le simple fait d’avoir 3 ans et d’aller à l’école pour la première fois représente une source majeure de conflit.
L’idée étant aussi de sortir de sa zone de confort pour ne cesser de l’agrandir.
Certains héros sont vite partants pour l’aventure et d’autres ont besoin d’être poussés, mais attention à ne pas rendre votre héros trop passif au risque de lasser le public.
Le héros est celui qui fait avancer l’histoire !
Comme je le disais dans cet article, votre héros doit regarder la mort dans les yeux, qu’elle soit symbolique ou réelle, il doit sacrifier sa vie ou une partie de lui (perdre quelqu’un qu’il aime, un membre, un objet cher etc.) pour renaitre de ses cendres. Naitre une seconde fois, devenir la nouvelle version de lui-même, amélioré (que l’histoire soit tragique ou non, le héros doit apprendre de ses erreurs).
Une phrase d’Orelsan que j’aime bien illustre ce propos : « renait comme un phénix, renait comme un zombie, la défaite c’est comment tu la gères ».
Finalement, il doit mourir pour mieux renaître et laisser tomber ses anciens vices pour ainsi revenir au village apportant l’élixir (ce qu’il a appris de son voyage).
La logique de l’arc transformationnel veut que le spectateur évolue avec le héros mais ce dernier peut refléter aussi les conséquences d’une faiblesse ou le refus d’agir pour éduquer à travers les erreurs du personnage.
Il y a beaucoup de sortes de héros (anti héro, héros malgré lui, tragique, catalyseur etc.) et chacun d’entre eux peut porter le masque d’un autre archétype pour rendre sa personnalité plus complexe. Le masque archétypal est une brique de Lego qu’on utilise pour créer autre chose, mais évitez de l’utiliser tel quel pour éviter de faire un personnage cliché.
Anti-héros :
– Ils peuvent ressembler aux héros conventionnels tout en faisant preuve de cynisme, exprimant certains traumas (comme Hancock),
– Ou n’être ni aimable ni admirable comme dans Scarface,
Ils peuvent être des anciens hors la loi, des policiers corrompus, des rebelles qui font ce qu’on voudrait faire parfois mais que l’on n’ose pas.
– Certains anti-héros se rapprochent du héros tragique dans lequel on trouve une certaine fascination à regarder leur chute (sûrement par catharsis) afin de purger nos émotions. Le spectateur apprend à éviter les mêmes erreurs en regardant la déchéance d’un personnage comme Œdipe
Il y a aussi le héros sociable qui se verra séparé du groupe au premier acte pour une aventure seul avant de revenir dans sa tribu ou de rester dans le monde extraordinaire.
A son opposé se trouve le héros solitaire, l’ermite coupé des joies de la famille, qui devra lors du deuxième acte, s’investir dans un groupe avant de regagner sa solitude ou de rester dans le groupe.
Le héros catalyseur change le monde autour de lui sans pour autant changer lui-même comme Katniss dans Hunger Game ou Axel Foley dans le flic de Beverly Hills (ces personnages sont sensés déjà être complets et font parfois office de mentor, mais n’oubliez pas de les faire évoluer malgré tout au cours du récit pour éviter d’être trop monotone)
Le / la mentor(e) :
Cet archétype souvent positif guide et soutient le héros lors de sa quête ou bien même avant qu’elle ne commence.
Que ce soit un dieu, un magicien comme Merlin, une marraine la bonne fée ou autre, ce mot provient de l’Odyssée où un personnage du même nom (mentor) guide le héros Télémaque durant son voyage.
Le mentor représente le SOI dans la psyché humaine – le meilleur de nous-mêmes, la partie accomplie et enthousiaste au sens premier du terme (venant de Theo’s en grecque qui veut dire « inspiré » « en présence de Dieu »).
Le soi est la conscience qui nous permet de discerner le bien du mal comme Jiminy Cricket (à savoir que dans l’histoire de Collodi, Pinocchio finit par écraser le cricket pour qu’il se taise).
Le mentor remplace souvent un parent absent ou « déficient » et se révèle parfois être un ancien héros qui partage les secrets de son aventure passée. Mais tout le monde sait que le professeur apprend aussi de ses élèves.
Vladimir Propp assimile le mentor dans « la morphologie du conte » à celui du « donateur« , celui qui aidera le héros en lui faisant don d’objets magiques, de clés ou d’indices pour la suite de l’aventure.
Persée fait partie de ces héros gâtés par les dieux et recevant des sandales ailées, un casque qui le rend invisible, une faucille, une épée et un miroir magique etc.
Pour éviter le deus ex machina, il est préférable que le cadeau soit obtenu par connaissance, sacrifice, gentillesse ou implication par exemple.
A savoir que ces cadeaux et informations sont à traiter comme des implants scénaristiques à l’instar des gadgets de « Q » dans James Bond qui seront utilisés plus tard dans l’histoire.
Si le héros est effrayé par l’aventure à venir, le mentor, en plus du cadeau, pousse le héros en boostant sa motivation et lui rappelle l’importance de sa quête en pointant les problèmes du passé ou actuels.
Dans une romance, un teen movie ou une « sexe quest » (comme american pie), le mentor peut aussi initier le héros au mystère de l’amour et du sexe.
En Inde, celui qui remplit ce rôle est le « Shakti« .
Même si le mentor est souvent positif, son guide peut être parfois chaotique et, dans le cas d’une romance, mener vers un amour obsessionnel par exemple.
Au final, l’archétype du mentor comme le reste des archétypes n’est pas figé et peut être décliné à l’infini.
Dans les comédies romantiques, le mentor comique est fréquemment joué par le ou la meilleur(e) ami(e) du héros/héroïne qui donne des conseils sur sa manière de séduire et de gérer les relations.
Le mentor peut être consentant ou refuser d’aider le protagoniste. Il peut même de temps en temps aider le héros à leur insu en montrant ce qu’il ne faut pas faire.
Il existe parfois même des anti-mentors pour guider le héros sur la route du meurtre et du crime comme dans les affranchis ou l’ennemi public.
Mais il y a aussi les mentors déchus qui veulent aider le héros sans y parvenir à cause de la vieillesse, d’une maladie, d’un bannissement ou autre.
Comme tous les autres archétypes, chaque personnage peut endosser différents masques au cours de l’histoire donc le mentor peut être joué parfois par le meilleur ami, les parents ou par le héros lui-même.
Par exemple dans le conte russe, baba Yaga (qui représente avant tout une figure d’ombre) porte de temps en temps le masque du mentor : si le prince Ivan se montre admiratif et bon, elle peut lui offrir un trésor permettant de sauver la princesse Vassilissa.
Le mentor est parfois lié au rôle de chamane (guérisseur dans la culture indienne).
Même si le personnage du mentor est souvent assimilé à l’image de quelqu’un de plus âgé, il peut être aussi endossé par le petit frère / ou la petite sœur comme dans 500 jours ensemble (on dit bien que la « vérité sort de la bouche des enfants »)
« L’innocence » est parfois pleine de sagesse tout comme la folie.
Finalement le mentor, comme beaucoup d’archétypes, peut prendre une infinité de formes différentes. Il n’est pas forcément humain ou matériel, il peut être aussi une figure du passé, un souvenir, une vision etc.
Mais vous devez choisir le moment où il apparaît. Pour que quelqu’un mémorise une réponse, ou conscientise une idée, faites-lui croire qu’elle vient de lui. Aiguillez votre élève avec des questions pour orienter sa réflexion afin qu’il trouve la solution seul.
C’est tout pour cette première partie. Si ça vous a plu, n’hésitez pas à le partager pour m’aider dans mon travail et pensez à vous abonner aux comptes Instagram pour plus de contenu ! Portez-vous bien et à la prochaine !
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