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TogglePour ceux qui n’ont pas lu la première partie sur les bases du personnage au cinéma, et la deuxième sur la psychologie, je vous conseil d’aller y faire un tour. Sinon, c’est partit pour la troisième partie.
Sans plus tarder, entrons dans le vif du sujet !
Présentation du personnage – première apparition :
Essayez de soigner la première apparition pour votre personnage principal ou votre antagoniste. Vous savez ce qu’on dit, on n’a pas de deuxième chance pour faire une première impression.
Je vous conseille d’ailleurs la vidéo de Lavandier sur le sujet :
Afin de faire planer une espèce d’aura autour d’un personnage et de créer l’attente chez le spectateur, une des techniques consiste à faire parler les autres du personnage en question sans le voir à l’écran. Comme tout le monde en parle, on finit par se l’imaginer sans le voir. Lorsque c’est fait correctement, on peut, soit créer la surprise en rompant avec les rumeurs lorsqu’on le voit apparaitre pour la première fois, ou alors confirmer par une scène très explicite tous les dires qu’on a entendu jusque-là.
On soigne son intro en faisant planer une aura.
Molière le fait très bien dans Tartuffe, dans les 5 premiers actes logistiques (pas dramatiques), on entend parler de lui mais on ne le voit pas.
Pour vous citer un autre exemple qui n’est pas dans la vidéo de Lavandier, le personnage de Kaido dans One Piece est dans toutes les bouches avant que Luffy et les autres tombent dessus. Tout le monde s’imagine un peu comment il est mais la première fois qu’on le voit on se rend compte qu’il est en fait un dragon. En tant que spectateur on imagine un homme, mais sa première apparition rompt avec ce qu’on pense et crée la surprise ! Jouez avec les préjugés ou les potentielles « évidences » pour surprendre votre public.
Dans le film « Le diable s’habille en Prada » le scénariste met en place une technique très intéressante pour présenter son protagoniste et son antagoniste. Dès le générique, le protagoniste est mis en opposition avec toutes les jeunes filles qui se maquillent et qui font attention à leur style vestimentaire, tandis qu’elle prend le premier T-shirt qui lui passe sous la main.
On voit les routines matinales de chacune d’entre elles, et on voit bien que l’actrice principale ne colle pas du tout au monde de la mode, dans lequel elle postulera. Et dans la foulée, une fois arrivée sur place, on a la présentation de Meryl Streep, son mentor- antagoniste, pour qui tout le monde se plie en quatre et qui est d’une arrogance sans nom.
J’ai retenu de ce film qu’une bonne manière de présenter deux personnages est de montrer aussi ce qu’ils ne sont pas en fonction de l’autre. Présenter la routine matinale d’un jeune milliardaire et celle d’un gamin dans un bidonville permet de relever des similitudes et des oppositions flagrantes.
N’oubliez pas que beaucoup de choses marchent par contraste. Que ce soit la présentation d’un personnage, ou la tension dramatique d’une scène. Si vous voulez faire mourir un personnage, essayez de lui faire reprendre du poil de la bête juste avant pour surprendre et créer une tension plus grande par effet de contraste.
Une bonne manière aussi de présenter ses personnages et de faire entrer un nouveau dans un groupe comme Rachel dans Friends ou Steve Carrel dans Litlle miss Sunshine. On pourra voir un peu comment chacun se présente et leur interaction.
La transformation de votre personnage :
Bien que j’ai déjà parlé de l’importance d’un arc transformationnel dans les articles sur le Voyage du héros ou de Truby, ce n’est pas toujours le cas en fiction. Par exemple dans une dystopie comme Hunger Game, le personne change le monde sans pour autant opérer de radical changement sur lui-même.
Sam Peckinpah, lui, met en scène des gens qui ne changent pas dans un monde en constante évolution.
Par exemple dans le film « Coup de feu dans la Sierra », on annonce dès le début que les valeurs traditionnelles de l’ouest ont changé, et dans « La horde sauvage » on a affaire à une bande de bandits qui tentent de vivre dans un monde moderne qui ne leur convient plus.
De même, dans le film « un nommé Cable Hogue » on suit la vie de Hogue durant la transition où l’ouest ancien est en train de disparaitre.
Dans (Screenplay – The foundations of screenwriting), Syd Field analyse les films de Peckinpah et lui demande sa manière de construire des histoires. Ce dernier répond qu’il organise en général son film autour d’une pièce maîtresse, un évènement particulier où tout doit mener et duquel des conséquences vont tomber.
(Dans la horde sauvage tout mène à l’attaque du train et au vol des armes…
Dans majors dundee c’est le massacre au début du film qui façonne le personnage…)
Lorsqu’on a une idée sur un personnage, il faut savoir passer d’une vision floue et fragmentée à un être de chair et d’os. Pour donner l’illusion du vrai et que les spectateurs puissent s’identifier vous devez vous demander quels sont les besoins et les désirs d’un personnage.
Pour vous aider à rendre concret vos personnages, ces derniers peuvent avoir :
– Un « besoin dramatique » – par lui on comprend les besoins et le comportement du personnage en question (c’est ce que le personnage veut obtenir ou accomplir dans l’histoire) ;
– un point de vue personnel sur les choses, une attitude ;
– et une évolution !
Avoir une question dramatique liée au besoin dramatique – vont -ils réussir à survivre dans le temps imparti ? Comment « détruire » l’antagoniste malgré l’avance qu’il a sur nos héro.ïnes ? Etc.
Cette question change au cours de l’histoire et Sydney Field analyse que ce changement de besoin dramatique opère souvent au passage à l’acte 2
Sans besoin dramatique vous risquez vite de ne plus savoir où aller et comment continuer votre histoire.
Gardez également en tête que votre personnage doit être actif et motiver les événements plutôt que de les subir, si ça dure trop longtemps, un personnage qui passe son temps à encaisser semblera fade et sans intérêt. Retenez bien ça : « Le personnage est action, ce qu’il fait le définit et le conflit est moteur de dramaturgie. »
Dans son bouquin, Sydney Field cite Henry James et sa théorie de l’illumination.
« Un personnage occupe le centre d’un cercle et tous les personnages qui interagissent avec lui l’entourent. A chaque fois qu’un personnage interagit avec le personnage principal, cela peut révéler ou illuminer un aspect du personnage principal. »
Un personnage principal est aussi « illuminé » comme le dit Henry James par ce que les autres personnages disent de lui. En d’autres termes on en apprend d’avantage à travers les dires des uns et les actions des autres.
Dans son essai The Art of Fiction, Henry James parle de créer les évènements de notre histoire en fonction des personnages.
Créer l’événement, l’incident, en adéquation avec notre personnage pour qu’il puisse enfin se révéler.
Chaque événement doit tenir compte des forces et des faiblesses, des motivations et des réactions de son personnage pour qu’il y ait une certaine logique dans son évolution et dans la manière qu’il aura de se révéler au public (par ses actes en réaction à un évènement donné). Chaque événement forge et donne des infos sur le personnage qui les vit.
Dans le film Thelma et Louise par exemple, Thelma est attaquée par un homme Harlan qui veut la violer, et Louise le menacera avec un revolver et finira par le tuer (on comprendra plus tard que Louise avait déjà été victime de viol au Texas mais que le procès ne lui a rien apporté, ni justice, ni vengeance mais simplement l’accusation d’avoir peut-être provoqué ce viol) …
Le fait d’avoir tué Harlan les forcera à fuir toutes les deux.
L’événement du viol au début du film n’est, de ce fait, pas anodin ; il permet de comprendre les deux personnages et de révéler des évènements du passé etc.
Alors, est-ce que la question de l’Arc dramatique et de l’évolution est nécessaire ? Pas forcément. Mais même s’il y a toujours des exceptions je pense qu’un changement est bien pour donner un sens aux actions vécues. J’aime que les personnages et l’antagoniste soient construits en fonction de l’évolution recherchée et ainsi mettre en place de vrai conflit psychologique pensé en amont.
A noter aussi que Mister nobody et Cloud Atlas sont mes deux films préférés et qu’aucun d’entre eux n’applique les codes d’arc transformationnel classique. Donc à vous de voir ce qui convient le mieux à votre histoire.
Par exemple, dans un rape and revenge, la vengeance suffit au scénario (même si vous pouvez pousser un peu plus loin le concept).
James Bond n’évolue pas puisqu’il est a priori parfait (quoique depuis Daniel Craig ça change) – mais sa présence change les autres, même ses ennemis.
Cependant, j’estime qu’au début, en tant que jeune scénariste, la question de l’évolution aide à construire vos premiers écrits. Vos personnages doivent tendre à devenir meilleurs.
Écrivez les étapes qui permettent d’arriver à cette évolution finale pour créer un fil rouge dans votre histoire.
Si les étapes émotionnelles sont vraies, vous avez des chances pour que le spectateur change avec le personnage et apprenne de ses erreurs également.
Conclusion :
Pour terminer cette série d’articles sur le personnage de fiction, je peux vous lister plusieurs caractéristiques auxquelles vous pouvez réfléchir pour définir votre personnage :
Son histoire :
– Opinion politique, religieuse et spirituelle
– classe sociale, vécu, éducation et région
– passé, trauma, conviction et bouclier
Ses capacités :
– langage, sensibilité, type d’intelligence etc.
– langage corporel, timidité, éloquence etc.
Son point de vue :
– rêve et passion
– pessimiste, optimiste
– croyance et valeur
– goût
– Les actes manqués (regret remord) peuvent aussi définir le personnage.
– croyance sur lui-même, confiant ou constamment en train de se rabaisser ?
Son comportement (à ne pas confondre avec le point de vue) :
– peur et phobie,
– maladie mentale ou physique
– désir, envie et besoin
– toc, manie, Tic (quelqu’un à l’intelligence musicale peut par exemple toujours tapoter avec son stylo sur une table pour faire des rythmes pendant qu’il réfléchit) et micro-geste (qui laisse sous-entendre un passé compliqué ou pas),
– défaut / qualité :
orgueilleux, jaloux, ordonné, maniaque, paresseux / sagesse, empathie, intuition.
– qu’est-ce qu’il fait de ses compétences, par exemple un « haut potentiel » peut s’ennuyer (bore – out) où se poser des questions existentielles (brown-out) …
Je vous conseille aussi de trouver une phrase qui correspond à votre personnage. En regardant les documents Excel qui ont servi à monter les dossiers pour Kaamelott, je me suis rendu compte qu’avoir une phrase type qui résume la pensée d’un personnage est un très bon exercice en tant qu’écrivain mais c’est également un merveilleux outil pour en parler au producteur.
Si votre phrase choisie est une réponse à un évènement, vous pouvez dire beaucoup de choses en quelques mots. Vous pouvez laisser transparaitre la mentalité de la personne, son niveau de langage, ses valeurs, sa manière de réagir au conflit etc. rapidement.
N’oubliez pas le concept de la courbe de surconfiance, faites des recherches et sortez pour continuer de développer votre imagination et créer toujours de meilleurs personnages ! Puisqu’on ignore ce que l’on ne sait pas et on ne sait jamais sur quoi on va tomber et ce qu’on va découvrir ! Une simple phrase peut changer une vie si elle est dite à la bonne personne au bon moment, ne l’oubliez pas. Sur ce, prenez soin de vous et à la prochaine pour plus de contenu !