Du Pitch à la continuité dialoguée

stylo plume

Lorsque vous écrivez un scénario, vous ne le faites pas seulement pour vous (enfin tout dépend). Un professionnel est amené à parler de son projet à beaucoup de personnes différentes : producteurs, comédiens, monteurs, chefs opérateurs, diffuseurs, commissions de financement, festivals…

Pour cela vous devez faire les choses dans l’ordre et correctement. 

On va donc parler dans cet article du pitch et de tous les paramètres à prendre en compte jusqu’à la continuité dialoguée. C’est parti !

(NB : cet article fait référence à mes cours de Fac donnés par Martin Fournier.)

Outil de travail :

Tous les documents qui présentent le scénario de votre film doivent être rédigés au présent. En littérature les choses peuvent être différentes, mais au cinéma, ce qui se déroule à l’écran s’y déroule ici et maintenant (même si c’est un flash-back, les choses qui se passent devant nos yeux sont au présent).

Dans un scénario, l’écriture doit être simple et visuelle! Pas de tournure de phrases à dormir debout ! C’est un film, pas un roman.

On écrit dans notre scénario ce que la caméra voit. Vous ne devez pas écrire des tournures de phrase du genre « le héros pensait qu’il lui serait simple d’en réchapper ». Parce que ce genre de chose ne veut rien dire pour la caméra. Si vous voulez écrire quelque chose comme ça vous devez dire :
« Max s’avance vers le jeune gangster d’un pas lent et assuré. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres ».

Vous voyez un peu la différence ? N’écrivez rien de ce que la caméra ne peut voir (sauf quelques exceptions).

Le pitch et le scénario sont des documents de travail ! Ils ne doivent pas forcément être élégants mais simples et efficaces. Ils sont au service du film et non du texte.

Vogler a d’ailleurs écrit  : « Better to be clear than pretty »

Le pitch :

Vous avez passé un an ou deux à écrire votre scénario et vous souhaitez en parler à un réalisateur ou un producteur. Vous avez pris vos billets pour le festivals de Canne, vous vous êtes entrainé à parler devant la glace, vous prenez votre courage à deux mains et vous y allez. Mais une fois devant le producteur vous dites :
« c’est l’histoire d’un homme qui trouve un objet magique, enfin au début c’est pas vraiment un homme, enfin non il s’appelle Max, bon je recommence, y’a Ava, qui cherche un livre qui permet de contrôler les gens, enfin non c’est plus compliqué que ça… »
Laissez tomber vous avez loupé votre chance !

point d'interrogation

La fenêtre pour vous présenter peut être extrêmement courte, d’où l’intérêt de savoir mettre « le pied dans la porte ». Essayer de piquer la curiosité du producteur (qui croule déjà sous les demandes) avec un pitch bien construit (deux trois lignes simples et efficaces) !

Il faut savoir cerner l’intérêt ou l’originalité de notre projet pour construire un discours qui le mette en valeur. Si votre film est hyper original insistez là-dessus, s’il repose sur des partis pris esthétiques forts, dites-le, si c’est le concept qui prime alors parlez-en. Votre Pitch est au service de vos intentions. Il permet aussi de se poser la question sur ce qui est essentiel à notre histoire et ce qu’il ne l’est pas.Travaillez efficacement son pitch et les intentions derrière le projet vous permettra de trouver d’autres collaborateurs, comme les techniciens par exemple qui pourront savoir s’ils sont en phase avec vos intentions et votre démarche.

La taille du pitch varie et même s’il peut être demandé à l’écrit dans certains dossiers de production (environ 2-3 lignes), il est en général oral (donc vous pouvez être amené à parler beaucoup plus longtemps).

Beaucoup d’auteurs détestent ce travail puisqu’ils détestent devoir se vendre (article) ! Mais il faudra passer par là si vous voulez arriver à produire votre premier scénario. Préparez au mieux votre pitch, sans bafouillage ou détour, c’est un argument de vente, mais aussi un moyen de savoir si les autres sont raccords avec vos intentions. Ne prenez pas le premier partenaire qui dit oui si celui-ci ne partage pas vos envies.

Le pitch s’écrit au présent comme les autres documents et n’a pas pour but d’être détaillé et fidèle à l’histoire. Par exemple si votre héros a un cancer et fait face à trois médecins différents, vous pouvez parler d’un seul qui réunit les 3 fonctions et développer si le producteur vous demande.

Ensuite, à vous de voir, en fonction de votre interlocuteur, si vous devez raconter toute l’histoire même la fin. Selon les cas, ne rien révéler attisera sa curiosité, ou il passera à autre chose. C’est à vous de le sentir, ce qui compte c’est d’attiser son intérêt pour le film !

Concernant la longueur, entre le pitch et le synopsis la frontière est parfois assez floue. Certains demandent deux pages pour un pitch et à l’inverse 5 lignes pour le synopsis.

Le synopsis :

Le pitch sert à piquer la curiosité de votre interlocuteur et à mettre le pied dans la porte. Le producteur est intrigué mais pas forcément intéressé pour l’instant.
Comme il n’est pas encore prêt à lire votre scénario en entier vous devez lui donner votre synopsis, c’est-à-dire une vue d’ensemble de votre film.

Là encore pour la taille, tout dépend. Si c’est un long métrage d’une heure et demie, il peut faire entre 5 et 20 pages.

Le synopsis doit se concentrer sur l’essentiel. Vous pouvez par exemple axer l’écriture de ce document sur les nœuds dramatiques de votre histoire (et la structure de votre film). Parlez des enjeux, des conflits, des révélations et de l’évolution des personnages.

Contrairement au Pitch, le synopsis ne vous laisse pas le choix : ici vous devez raconter l’histoire du début à la fin.

Encore une fois, ce document s’écrit au présent avec le style le plus visuel qui soit (essayez de ne pas faire d’effet de style ou d’explications psychologiques). Le lecteur doit cerner vos intentions à travers ce document.
Si la forme ou l’écriture de ce document est mal faite, redondante, ennuyante, avec trop de détails ou bourrée de fautes … Le producteur n’ira pas plus loin et votre scénario finira surement à la poubelle. Il est donc très important de soigner tout particulièrement ce document ! Pour cela essayez de lui donner un aspect organique, fluide, où la structure devient invisible à l’œil nu.

Je le répète aussi ici, mais n’hésitez pas à simplifier votre histoire dans le synopsis pour la mettre au service de vos intentions. Mieux vaut que votre synopsis soit efficace et fidèle envers vos intentions que fidèle à votre histoire. Si vous devez éluder des sous-intrigues ou des personnages pour faire un document plus percutant faites-le ! Vous pourrez compléter tout ça plus tard. Le but encore une fois est qu’on lise votre continuité dialoguée (votre scénario quoi) !

Si vous construisez votre histoire en amont, point par point, vous pourrez plus facilement écrire votre synopsis et même le présenter avant d’avoir écrit la continuité dialoguée. A ce stade les critiques seront beaucoup plus simples à entendre qu’après deux ans passés sur le même scénario.

Encore une fois la frontière est floue, certains producteurs demandent des synopsis de 20 pages pour un long métrage mais à ce niveau-là c’est presque un traitement.

Le traitement :

En règle générale ce document est destiné à l’auteur lui-même mais certains producteurs de télévision le demande. Il est le plus souvent un outil de travail et moins de communication.

En gros, ce document c’est un synopsis très détaillé. Il comprend tous les éléments complémentaires qu’on a éludés du synopsis, les intrigues secondaires et tous les enchainements. En général, pour un long métrage, il fait entre 30 et 50 pages.

Ce document permet surtout de vérifier que tout s’agence correctement, qu’il ne reste aucun point flou à éclaircir et qu’on passe d’une scène à l’autre de manière naturelle. Cela permet également de se rendre compte du rythme du film et de savoir si les intrigues secondaire s’imbriquent correctement dans le reste de l’histoire.

Ce n’est pas obligatoire d’en faire un mais moi je trouve qu’il aide énormément. Il vous évite de faire des dizaines de scènes qui ne serviront pas l’histoire, de se casser la tête à écrire des dialogues qui seront supprimés lors de la V2, et de se perdre dans de multiples détails inutiles.
Pour moi le traitement c’est le squelette sur lequel je rajouterais la chair du dialogue.

Encore une fois ce document s’écrit au présent. Mais les dialogues sont écrits au style indirect libre :
« Josiane explique à Bernard qu’elle en mare de son pot au feu au goût de chaussette »

Le séquencier :

C’est l’étape qui suit le traitement. Ce document regroupe la succession des séquences dans l’ordre avec la description, sans dialogue (ou écrit en indirect libre), des actions qui s’y passent.
Les choses sont décrites par les actions et les éléments visuels qui les constituent. Il faut que ce soit clair, concis et précis !

On décrit ce que le spectateur voit et non pas ce que le personnage ressent. Le séquencier s’écrit donc lui aussi au présent. Retenez que si vous n’avez pas recours à la voix off, le spectateur n’a d’information sur la psychologie des personnages qu’en fonction de leurs actes et de leurs dires.

Je vous conseille d’attribuer des couleurs à certaines de vos séquences en fonction des intrigues secondaires ou des personnages. Vous verrez aussi plus facilement si une intrigue secondaire prend trop de place ou si un personnage a disparu trop longtemps etc.

Ne mettez surtout pas des phrases comme ça :

« On se rend compte que… », « On découvre que… », « Le personnage prend conscience que… », « Le personnage pense à… » …
A savoir qu’en règle générale le « On » ne devrait apparaître dans aucun des documents dont on a parlé (sauf dans la note d’intention par exemple, si vous avez travaillé avec un co-scénariste évidemment)

Une fois que tout est en place (le traitement et le séquencier ont recentré l’histoire sur sa dimension visuelle) il ne reste plus qu’à écrire les dialogues !

La continuité dialoguée (le scénario entier) :

Tout est au présent, mais contrairement aux anglo-saxons, nos scénario français ne contiennent pas d’indication sur la réalisation. Donc votre continuité dialoguée ne doit pas expliciter « gros plan » , « contre-plongée » ou « travelling arrière » tout comme il ne doit pas contenir d’indication de montage « fondu enchainé », « fondu au noir » ou de musique extra diégétique etc. Les informations de réalisation seront détaillées sur le découpage technique

C’est une convention qui est partagée par beaucoup de personnes et briser cette règle risque de vous faire passer pour un amateur. Après si vous avez gagné 3 oscars, vous pouvez vous permettre de le faire.

Souvenez-vous que c’est avant tout un outil de travail qui doit servir à tous les membres de l’équipe du film. La forme doit être aérée (pour y mettre des annotations), avec une mise en page uniforme et simple, et une numérotation en bas de page.

Chaque séquence commence sous cette forme :

Séquence N°1 – SALON – INT – JOUR

INT : Intérieur
EXT : extérieur

Et vous pouvez à la place d’écrire JOUR ou NUIT, indiquer MATIN ou SOIR. Les libellés sont souvent écrits en Majuscule et en gras.

Pour la description des actions et des dialogues on présente de cette manière :

(Extrait du film d’Antoine Giorgini : Air comprimé)

Mais essayez de limiter les didascalies et de ne pas en mettre à chaque fois :

extrait d'un scénario didascalie
(Extrait du court-métrage « Le Cri du homard » de Nicolas Guiot (Production Offshore), dossier disponible sur le site du CNC.)

Important : Sachez que lorsqu’un personnage est présenté pour la première fois, son nom apparait en majuscule et en gras (parfois).
Si vous voulez vous pouvez aussi inscrire des indications sonores en majuscule mais ce travail est facultatif

Pour vous inspirer, vous pouvez regarder la vidéo de LFTS qui parle entre autre des indications sonores sur le scénario  : 

J’ai dit ci-dessus que vous n’aviez pas le droit d’indiquer des choix de montage sur le scénario. Cependant vous avez le droit, lors d’un montage alterné (des actions qui se déroulent en même temps dans les lieux différents), d’écrire le numéro des séquences avec deux chiffres.

Par exemple :

13. 1 INT/JOUR – SALLE DE BAIN
Gérard fait ça.

  1. 1 EXT/JOUR – JARDIN
    Josie fait ça.

    13. 2 INT/JOUR – SALLE DE BAIN
    Gérard fait ci.

  2. 2 EXT/JOUR – JARDIN
    Josie fait ci.

Voilà, pour terminer sachez qu’une page de scénario représente environ 1 minute de film monté (c’est une convention globalement acceptée).

Sur ce, cet article arrive à sa fin mais vous pouvez faire un tour sur la scénariothèque du CNC pour en savoir plus sur la mise en forme et sur ce que les gens font du pitch, du synopsis etc. Il est toujours de bon de s’inspirer des autres et de voir ce qui se fait. 

Et voici un logiciel gratuit qui vous permettra d’écrire vos propres scénarios avec la bonne mise en page.  

Faites attention à la double ponctuation avec ce logiciel. Celtx ne traite pas les espaces insécables, ne laissez par un « ? » ou un « ! » seuls sur une ligne.

N’hésitez pas à partager cet article à ceux que ça pourrait intéresser et de commenter si vous avez des questions.

A la prochaine pour un autre article. 

Logo Neel Naja
Compte photo Instagram
logo tips et cinéma
Compte tuto Instagram

4 réflexions sur “Du Pitch à la continuité dialoguée”

  1. Ping : Comment écrire la note d’intention (cinéma) ? : - Neel Naja Production

  2. Ping : Les termes du scénario - Neel Naja Production

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *