L’importance de la Faille, Motivation et Conflit – partie 1

Nota Benne :

Cet article résume et s’inspire de beaucoup d’articles de SCENAR MAG qui possède une banque de données incroyable. J’ai évidemment sélectionné les infos qui me semblaient les plus pertinentes mais rien ne vous empêche d’y faire un tour pour découvrir d’autres sujets.

Outer motivation et Inner Journey :

Michael Hauge définit l’objectif visible du personnage comme l’Outer Movitation. Cette dernière représente le désir profond du protagoniste, la ligne d’arrivée (story goal) qu’il veut franchir à tout prix. Ce besoin définira le fil rouge, la structure de votre intrigue et l’évolution dramatique de votre protagoniste. 

  • L’outer motivation doit être bien visible et comprise par tous de la même façon. « Être un bon joueur de football » peut avoir différentes interprétations, mais, « gagner CE tournois », ne peut avoir qu’une interprétation possible.
  • Votre protagoniste poursuit l’objet de sa quête jusqu’à la fin.

L’outer motivation définit l’outer journey : les évènements en lien avec sa motivation, sa détermination à obtenir quelque chose de matériel ou d’extérieur à lui mais non intime (Inner motivation).

  • L’histoire est réellement finie dès que l’outer motivation est atteinte. Même s’il n’est pas toujours obligé de réussir, le spectateur peut aussi apprendre des erreurs de votre personnage.

Mais l’objectif externe doit rejoindre l’évolution interne du personnage (Inner Journey).

Dans le film Tendre Bonheur écrit par Horton Foote, l’arc dramatique de l’histoire se déroule dans l’esprit du protagoniste. Alcoolique au début du film, Marc Sledge se tue à petit feu car il ne croit plus en rien. Son changement va s’opérer par petites touches, à travers des sensations et des sentiments (amour, musique, spiritualité)… Chaque étape lui fera prendre conscience que la vie vaut la peine d’être vécue.

Illustrer le voyage intérieur de son personnage principal est assez compliqué, si l’on ne veut pas paraitre redondant ou utiliser des discours inutiles. On doit comprendre l’évolution de vos personnages par des actions (évitez la voix off ou le protagoniste qui explicite son changement par une phrase bien claire). – « Show don’t tell »

Dans l’histoire de Tendre Bonheur, il n’y a pas beaucoup de rebondissements ou d’actions. Seulement des scènes bien choisies pour témoigner de l’évolution intérieure du personnage principal.
Pensez votre film comme une grande structure, enlevez une scène et le film s’écroule.

Robert McKee est ainsi partisan de la règle « Show ! Don’t tell ». Pour un scénariste occidental, des dialogues trop explicites décrivant ce qui se passe sont ennuyeux et à éviter !

Movies are about making mental things physical.” – John Carpenter
Les films consistent à rendre physiques les choses mentales.

La faille et l’Arc transformationnel :

Les défauts de votre personnage, sa faille, le mensonge auquel il croit – sont tous des éléments dramatiques reliés à l’arc transformationnel.

Tous ces obstacles internes représentent autant de leçons de vie pour votre protagoniste.  Si ce dernier réussit à faire face à ses problèmes personnels, intimes et psychologiques, il pourra en ressortir grandi.

L’outer Goal (objectif extérieur) est souvent assez simple dans la formulation : gagner un concours, sauver quelqu’un, retrouver un objet….
Mais l’inner Goal (objectif intérieur) est souvent bien plus compliqué que ça, il peut impliquer des notions plus complexes et des sentiments plus forts :
– pour un ex-taulard par exemple, son objectif extérieur en sortant de prison est de vivre une vie juste et droite, mais son objectif intérieur englobe le fait de trouver la paix dans un monde qu’il perçoit comme injuste et qui l’incite à recommencer, à vaincre sa colère, lutter contre le sentiment d’impuissance ressenti en prison qui lui donne le besoin de tout contrôler une fois libre …

Ce conflit interne est important pour l’identification, l’apprentissage du spectateur et la dramaturgie.
Si on rejoue encore aujourd’hui les mythes et légendes du passé ; c’est parce qu’ils touchent à la nature humaine qui n’a pas changé depuis 8000 ans. Nous sommes toujours sujet à l’amour, la mort, la vengeance, la duperie, la guerre, le pouvoir ….
L’être humain est toujours confronté aux mêmes schémas, aux mêmes thèmes et aux mêmes motifs.

Petite astuce pour rendre votre personnage plus complexe : Donnez-lui des désirs et des besoins opposés et forcez-le à choisir !

Avec ça vous créez le dilemme, un conflit interne très intéressant pour la dramaturgie.
Nos défauts et notre nature impliquent que nous ne soyons pas objectifs ; on se pose des questions et nos dilemmes nous obligent à choisir entre deux valeurs, celle qui nous est le plus chère.
Avec une évolution dramaturgique de ce type vous pouvez créer une « faille » dans la personnalité de votre protagoniste.

Un héros lâche est surtout gouverné par son instinct de survie, s’il n’y a pas de victime ce n’est pas vraiment un défaut.
Au final, le problème n’est pas la lâcheté, mais le manque de courage.
La faille d’un personnage est alimentée par tous les mensonges, pensées limitantes et valeurs négatives qu’il a de lui-même. Ce dernier peine donc à évoluer et son jugement corrompu le pousse à « détruire » sa relation aux autres et au monde.
Mais la faille possède un double statut.
Elle empêche votre protagoniste de s’épanouir et d’atteindre ses objectifs mais elle est aussi une béquille protectrice. C’est un mécanisme de défense qui nous empêche d’évoluer et crée un dysfonctionnement dans notre vie (comme quelqu’un qui refuse toute relation amoureuse après une rupture douloureuse). Finalement avec ce genre de raisonnement, autant ne plus marcher par peur de tomber…

Passage de scénar mag : « Et c’est dans la relation aux autres que l’on peut s’épanouir. Si l’on considère que l’homme est l’ennemi de l’homme, aucun épanouissement personnel n’est possible. Si toutes nos relations se fondent sur la peur et la méfiance (c’est-à-dire faire de nous-mêmes notre propre ennemi), nous ne pourrons jamais évoluer vers un monde meilleur. »

Une faille apporte son lot de problèmes mais aussi de bénéfices. Une qualité peut être aussi un défaut selon l’observateur. C’est pourquoi « la vérité se trouve dans le juste milieu ».
Par exemple :
Le mensonge est moralement répréhensible, mais il peut être utile dans un monde de crime.
Être candide et crédule ne signifient pas seulement être « stupide » et se faire avoir ; ce sont aussi des qualités émotionnelles fortes comme la confiance et la générosité qui nous permet de créer des liens affectif rapidement avec des gens.

La faille de votre personnage crée une faiblesse chez lui qu’il doit combattre pour atteindre son objectif.

Souvenez-vous que le changement et l’adaptation sont obligatoires à toute forme de vie. Si rien n’évolue alors le résultat est toujours le même :
Le déclin (entropie) et la mort (paradoxe de la reine rouge).
Il n’existe pas de stase permanente dans la nature, tout évolue ou décline.

« Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça ! »

Les gens conservent parfois certains systèmes de survie, par habitude.
Ils nous sont familiers et nous semblent sûrs ; jusqu’au jour où l’on se rend compte que ça ne marche plus.
Dans un film d’une heure et demie, l’arc transformationnel complète le protagoniste en quelque sorte.

Mais la vie est remplie de centaines de petits changement, qui nous permettent de devenir « meilleur » à chaque fois (bien que nous ayons tendance à choisir la facilité, à raisonner selon nos modèles de connaissance dépassés, plutôt que de sortir de notre zone de confort et d’affronter de nouvelles choses).
Ceux qui se battent contre le changement et qui conservent leur paradigmes de pensées dépassés, risquent de maintenir des relations toxiques, des jobs dévalorisants, des activités vaines, des comportements et des environnement malsains et j’en passe….
Le dévouement inflexible envers un système inutile et cette résistance au changement crée la faille de votre protagoniste. La faille représente le combat d’un personnage avec lui-même pour garder un système de survie obsolète, des béquilles psychologiques désuètes qui le desservent tout en lui donnant l’illusion qu’il avance.

Gatsby croit en une idée toxique de l’amour… Tout comme celui qui se dit qu’il sera heureux le jour où il sera riche…

Scenar mag donne l’exemple suivant :
Un personnage croit qu’il ne pourra être heureux que si tout le monde l’est. Il s’acharne à aider tout le monde sans se poser la question de ce qu’il aime, ni de savoir si des gens seront là pour lui. Il peut être validé au début de l’histoire car des gens lui « rendent » autant qu’il donne, mais un beau jour la machine s’enraye. Certains l’abandonnent pendant que d’autres prennent sa gentillesse et les services qu’il rend pour acquis, alors notre protagoniste se sent malheureux.
Il lui manque quelque chose mais il ne sait pas quoi… Il continue alors de se sacrifier jour après jour pour illuminer quelques visages d’un sourire fugace….
Un beau jour, son énergie est à 0… « on ne récolte pas toujours ce que l’on sème », et c’est ce que notre protagoniste apprend à ses dépens, le jour où il décide de sauter du haut d’une tour.
Le suicide survient comme réponse à une perception erronée de son identité.


La faille dessine un point faible potentiellement destructeur qui servira de base pour l’évolution personnelle de votre personnage (inner journey) et permet d’ordonner les idées qui constituent le défi extérieur en lien avec les conflits intérieurs.

La faille représente une valeur opposée au thème de votre histoire et à l’objectif interne de votre protagoniste. Réfléchissez à l’origine des choses, aux causes potentielles d’un acte grave et posez-vous les bonnes questions pour comprendre vos personnages.
Innovez par la vision que vous apportez (car chaque point de vue sur le monde est unique)

Le scénariste William C. Martell insiste d’ailleurs sur l’importance d’apporter une faiblesse à chaque personnage dans sa personnalité. Y compris à l’antagoniste pour le rendre plus humain. Ce défaut empêchera votre héros principal d’atteindre son objectif (d’où l’importance de changer pour réussir).

Au final, l’objectif extérieur n’est qu’un prétexte pour lancer votre héros dans l’aventure en lui permettant de découvrir des vérités cachées et d’illuminer ses croyances dépassées (le mensonge qu’il se fait à lui-même) qui l’empêchait d’exprimer son plein potentiel.
Demandez-vous ce que votre héros peut faire à la fin de l’histoire qu’il ne pouvait pas au début.

L’antagoniste cible les failles du protagoniste, il sait taper là où c’est le plus terrible. Parfois, les deux veulent la même chose, mais ce sont leur manière de faire ou leur vision qui diffèrent.
Pour finir, votre personnage doit se retrouver dans les pires situations qui soient (pour lui en tout cas).

Si votre protagoniste galère à atteindre son objectif principal, c’est parce qu’il a une faille majeure dans sa personnalité que l’antagoniste sait utiliser contre lui et qui entrave son désir (besoin et désir)

L’origine d’une faille :

Il est bien de connaitre l’origine et les causes d’un défaut ou d’une faille pour expliciter la manière dont celles-ci peuvent être résolues.

Les défaut et imperfections servent aussi à donner une mission au personnage principal en apparence impossible POUR LUI.
Ces défaut complique la vie du héros / héroïne et crée du conflit.
Positif ou négatif, le défaut dépend de l’observateur, et même la bonté quand elle est dirigée vers une personne toxique peut détruire le/la protagoniste.

Réfléchissez aux traits de caractères dont votre personnage a besoin pour accomplir son objectif et pensez aux traits opposés pour créer sa faille.

Essayer de définir quand a commencé le mensonge du protagoniste. Sa faille provient forcément d’une blessure qui a une origine
Demandez-vous pourquoi il agit comme ça et ce qui justifie son inner motivation (pourquoi accomplir cette tâche).

  • Réfléchissez à ses attributs positifs qui vont l’aider dans sa tâche.
  • Définissez sa motivation, ses besoins et la finalité de ses actes.
  • Quel sentiment implique chacune de ses qualités : s’il est courageux, est-ce motivé par la justice, un sentiment de liberté, la colère ou simplement donner un sens à sa vie ?

Quelqu’un qui veut devenir président pour changer les choses c’est bien, mais ce besoin n’est pas né avec lui, il découle sûrement d’un événement de sa vie ou d’une case psychologique ?

  • Pensez aux failles qui peuvent l’empêcher d’atteindre son but
  • Cette faille est un mécanisme de défense, une armure, mais contre quoi ?
  • Quel changement sur la perception de sa propre personne a impliqué cette blessure ? il doit ouvrir les yeux sur celui qu’il est réellement.

Un évènement traumatisant peut provoquer en nous une fausse croyance sur ce qu’on est. Après une telle blessure, le protagoniste peut développer le mensonge auquel il croit et se conforter dans une fausse image de lui-même. Tout ça se reportera forcément sur son comportement et sa faille.

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